Les zones humides comptent parmi les écosystèmes les plus riches de la planète.
Paradoxalement, depuis plusieurs décennies, elles sont particulièrement impactées par les activités humaines et souffrent de la détérioration des habitats, en lien avec l’emprise croissante de l’urbanisme et du drainage des sols. Elles sont également le réceptacle de la pollution diffuse qui peut être générée sur les bassins versants qui les alimentent, altérant ainsi la qualité des eaux et compromettant les services écosystémiques associés.
Avec des tailles relativement modestes, les mares sont des écosystèmes qui restent particulièrement sensibles aux modifications de leur environnement, qu’elles soient d’origine naturelle ou anthropique.
Les coléoptères aquatiques offrent une diversité d’espèces particulièrement remarquables, estimée à près de 450 espèces en France continentale.
Parmi celles-ci, on retrouve des espèces très spécialisées et fragiles, d’autres très communes et bonnes colonisatrices, qui rendent très pertinente leur prise en compte pour l’étude des mares, ils forment ainsi un groupe précieux permettant de caractériser l’état de santé de ces milieux : on parle d’espèce «bio-indicatrice».
Sous l’impulsion de Rémy Saurat (MyColéo), un programme d’étude permettant de qualifier la valeur écologique des mares a débuté en 2019 dans la région AURA. Il s’agit d’un inventaire basé sur l’étude typologique des mares à partir de mesures telles que la profondeur, la surface, la température, le PH, le recouvrement par la végétation aquatique et rivulaire, le contexte anthropique et le peuplement de coléoptères aquatiques.
A vos mares !
Au total, près d’une trentaine de paramètres a été relevée lors de deux passages successifs sur chacune des mares.
A partir de ces différents éléments, un « Indicateur composite Coléoptères Aquatiques des Mares » (IcoCAM), élaboré par le Groupe d’étude des invertébrés armoricains (GRETIA), permet d’obtenir un ensemble de quatre indices (richesse fonctionnelle, indice de rareté relative, richesse spécifique, indice de spécialisation des communautés).
Le Parc national des Écrins s’est associé à ce projet d’inventaire en étudiant pour cette première année un ensemble de 9 mares réparties sur les sites Natura 2000 de la forêt de Boscodon pour les Hautes-Alpes et de la plaine du Bourg d’Oisans pour l’Isère.
« L’objectif est d’obtenir de nouveaux éléments de connaissance en inventoriant un groupe d’espèces jusqu’à présent peu étudié » explique Damien Combrisson, chargé de mission « invertébrés » du Parc national. « Cela va permettre aux gestionnaires de ces sites de mieux évaluer les caractéristiques écologiques et fonctionnelles des mares et de pouvoir assumer une gestion de celles-ci en se basant sur une méthode d’évaluation originale. »
Coléoptères aquatiques et gestion écologique
« Parmi les groupes d’insectes méconnus et vivant dans les mares, les coléoptères aquatiques représentent le groupe le plus diversifié, exploitant les moindres recoins de ces milieux naturels » commente Rémy Saurat. « Leur mode de vie demeure peu étudié et la plupart des adultes sont capables de voler sur de longues distances pour coloniser un nouvel environnement. Ces espèces présentent un cycle de vie complexe en utilisant une variété d’habitats pour se nourrir et pour se reproduire. Il est intéressant d’assurer des recherches sur leur écologie pour comprendre à quel point les milieux d’eaux douces comme les mares sont incontournables à leur survie. »
Les coléoptères aquatiques offrent une diversité taxonomique remarquable. La présence d’espèces très spécialisées et fragiles, d’autres très communes et bonnes colonisatrices, rend très pertinente leur prise en compte pour l’étude des milieux d’eaux stagnantes.
C’est pourquoi il y a une urgence dans l’apport de connaissances nouvelles sur ces espèces, pouvant ainsi valoriser les mares et aider les conservateurs d’espaces naturels à mieux appréhender les gestions écologiques associées.
Les mares constituent un élément paysager des régions agricoles, forestières ou montagnardes de Rhône-Alpes et restent malheureusement dans une situation précaire. L’enjeu est de taille car celles-ci sont en voie de disparition que ce soit par processus de comblement naturel, par dégradation anthropique ou à cause du réchauffement climatique.
Les espèces qu’il est possible de rencontrer sont tout à fait originales que ce soit par leur forme, leur adaptation ou leur mode de vie. Par exemple, dans les mares d’altitude, il est possible de rencontrer des espèces strictement alpines capables de passer l’hiver sous forme de larve dans l’eau et de résister à des températures bien inférieures à 0°C comme Hydroporus foveolatus.
D’autres espèces nécessitent des mares à eaux froides, limpides et contenant un tapis de végétation bien développé. On y trouve des prédateurs à affinités septentrionales spécialisés comme Dytiscus circumcinctus (photo ci-dessus), sans doute l’espèce la plus rare obtenue sur l’ensemble des mares expertisées entre l’Isère et les Hautes-Alpes, ou des espèces broutant des végétaux et se délectant des algues filamenteuses sur le bord des berges comme Haliplus heydeni.»