Les insectes pollinisateurs sauvages

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Syrphe sur le thym aux Borels (Champoléon) © M. Corail - PNE
Petite taille mais énormes bienfaits ! Garants de la pollinisation, les insectes pollinisateurs sauvages jouent un rôle essentiel dans la transmission de la vie végétale, dans les Écrins comme ailleurs. Ces dernières années, ils sont pourtant victimes d’une chute des populations alarmante. Une menace pour leur survie, mais également pour les précieux services qu’ils nous rendent. Gros plan sur leur utilité, les causes de leur raréfaction et les moyens pour en prendre soin, dans le parc national... ou dans son jardin !

Pourquoi les protéger ?

Plus de 350 vertébrés, plus de 2 000 plantes, plusieurs milliers d’insectes et beaucoup d’espèces encore à découvrir : la grande diversité des milieux dans le parc national des Écrins a créé une richesse biologique unique. Mais chaque maillon est interdépendant : un élément qu’on retire, si petit soit-il, et l’équilibre écologique s’effondre…

Un rôle méconnu mais essentiel dans la chaîne de la vie

Quand on parle insectes pollinisateurs, on pense immédiatement abeilles domestiques. En réalité, l’abeille domestique n’est qu’une des 6 600 espèces pollinisatrices en France. Sans cette multitude de petites bêtes, point de pommes, fraises, tomates, courgettes ou tournesols ! Au-delà de l’alimentation humaine, ils rendent aussi bien d’autres services en participant à l’équilibre de la chaîne alimentaire, à la fertilité des sols et à l’agriculture en tant que régulateurs des ravageurs.

Malgré tous ces services rendus, les insectes pollinisateurs sont parfois mal aimés et souvent méconnus. Ils constituent une biodiversité « cachée » car minuscule et longtemps ignorée. Preuve en sont les espèces découvertes régulièrement depuis 10 ans dans la réserve intégrale du Lauvitel. Les connaissances évoluent rapidement, et c’est tant mieux ! Plus nous en saurons à leur sujet et mieux nous pourrons les protéger.

Abeille charpentière © T. Maillet - PNE

La grande dégringolade

Car les menaces qui pèsent sur eux sont bien réelles. Destruction des milieux naturels, utilisation des pesticides, artificialisation des sols, pollution lumineuse nocturne… : depuis 2010, la population d’insectes dans le monde a chuté de 41 %. Cette dégringolade est même 8 fois plus rapide que celle des oiseaux, des mammifères et des reptiles. Elle concerne malheureusement tous les milieux, y compris les espaces protégés comme les parcs nationaux.

À ces causes se rajoutent les effets du changement climatique qui fragilisent encore plus les espèces à faible répartition géographique, qu’on ne trouve par exemple qu’en altitude ou que dans les Alpes.

Les abeilles domestiques en cœur de parc

Une dizaine de ruchers est installée aujourd’hui dans le cœur du parc national, essentiellement de petite taille et sur des emplacements familiaux. Depuis quelques années, les scientifiques alertent sur les risques potentiels liés à l’élevage d’abeilles domestiques : concurrence alimentaire avec les pollinisateurs sauvages, transmission de pathogènes comme la varroase, modification de la flore (même si elle est un super pollinisateur, l’abeille domestique a ses fleurs préférées). Par précaution, le Parc national a décidé de suspendre l’installation de nouvelles ruches en cœur de parc.
 

Tout le monde a son rôle à jouer !

Euclidia mi à Tresserre (Ancelle) © M. Corail - PNE Collectivités, agriculteurs, Parc national, acteurs du tourisme, particuliers : bonne nouvelle, chacun peut agir à son échelle pour favoriser les insectes pollinisateurs dans son activité... ou son jardin. L’idée est simple : il faut avant tout créer un environnement favorable à leur installation en prévoyant le gîte et le couvert. Tour d’horizon des initiatives déjà déployées sur le territoire et des astuces à reproduire !

Privilégier les végétaux locaux

Fleurs sauvages et insectes pollinisateurs sont étroitement adaptés les uns aux autres. En privilégiant des espèces végétales locales, on donne un coup de pouce aux insectes du coin ! Dans les Écrins, le programme Sem’ les Alpes piloté par le conservatoire botanique national alpin (CBNA) a permis de restaurer des espaces dégradés avec des semences d’espèces sauvages locales. Les premières restaurations : des prairies de fauche à Valjouffrey touchées par des crues torrentielles et les pistes de la station de ski de Saint-Léger-les-Mélèzes. Comme l’explique Stéphanie Huc, chargée de mission au CBNA, « l’objectif était de retrouver l’écosystème initial, avec à la fois une diversité des plantes et les espèces typiques de la prairie de montagne ».

Prairie fleurie à Réallon © M. Coulon - PNE

Pour cela, les espaces ont été revégétalisés grâce à des bottes de foin vert fauché par un agriculteur à proximité des sites, immédiatement étalées au sol. Depuis ces 2 projets réussis, le procédé est régulièrement répété après des petits travaux en cœur de parc (assainissement des refuges, construction de prise d’eau…). C’est une vraie solution gagnant-gagnant : les graines locales poussent souvent mieux que les semences classiques du commerce, moins adaptées à notre climat, et elles donnent des prairies naturelles riches et diversifiées, intéressantes à la fois pour l’agriculteur et nos insectes pollinisateurs !

Vive la haie !

Les haies composées d’arbustes et d’arbres sauvages fournissent aux insectes pollinisateurs ressources alimentaires et gîtes précieux. Elles constituent également des corridors écologiques qui permettent aux insectes de se déplacer plus facilement, bien à l’abri ! Elles rendent aussi de vrais services à l’agriculteur en améliorant le rendement des cultures (effet brise-vent, abri pour les auxiliaires de cultures, lutte contre l’érosion des sols, amélioration de l’infiltration de l’eau dans le sol, stockage du carbone...). Pour mieux faire connaître leurs bienfaits, le Parc national a organisé pour la première fois en 2021 dans le Champsaur le concours d’agroforesterie. Ce concours local a vocation à être réédité tous les 2 ans.

Syrphus ribesii aux lacs de Pétarel (La Chapelle-en-Valgaudemar) © M. Corail - PNE

Mettre en lumière les petites bêtes

Discrets mais pourtant essentiels, les insectes pollinisateurs sont longtemps restés dans l’ombre. En partant du principe que pour mieux les protéger, il faut les faire connaître, le Parc national mène des actions de sensibilisation à destination des scolaires et du grand public. Le garde-moniteur Olivier Warluzelle a par exemple mené un projet pédagogique avec les élèves d’une classe de l’école de Chaillol pendant toute l’année scolaire 2021-2022 : semis de graines sauvages locales dans la cour de l’école, travail sur les caractéristiques et les besoins des insectes, réflexions sur un monde sans pollinisateurs… Des animations et des conférences par le Parc et ses partenaires ont également lieu tout l’été !

Le projet Biodiv'ALP, la biodiversité sans frontières

Ce projet financé par l’Union européenne a regroupé pendant 3 ans une dizaine d’acteurs publics français et italiens, dont le Parc national des Écrins, autour d’un enjeu commun : endiguer l’érosion des écosystèmes et des espèces protégées. Les insectes pollinisateurs sauvages ont fait l’objet de plusieurs actions côté Écrins. Un livret de sensibilisation conçu pour le grand public est disponible depuis le printemps 2022 dans les maisons du Parc et chez ses partenaires. Des sessions de formation ont également été organisées pour les bénéficiaires de la marque. Ces 2 outils partagent le même objectif : faire connaître les insectes pollinisateurs et apprendre comment agir en leur faveur, chacun à son niveau.

Des idées d'aménagements pour son jardin

  • Zygaena erythrus actae © J. Raillot - GRENHA Proscrire tous les produits destinés à éliminer insectes et « mauvaises herbes » !
  • Laisser des lieux de refuge pour les insectes : murets en pierre sèche, tiges creuses coupées, bois mort, coquilles d’escargot vides…
  • Alterne parcelles tondues et non tondues pour laisser un garde-manger aux insectes !
  • Privilégier des fleurs sauvages locales, plus adaptées à nos pollinisateurs.
  • Choisir des plantes diverses qui fleurissent en décalé et offrent une ressource stable dans le temps.
  • Limiter les sources de lumière la nuit pour protéger les insectes nocturnes.
  • Et beaucoup d'autres idées à retrouver dans le livret Les insectes pollinisateurs sauvages créé par le Parc national !