Une visite de suivi qui tombe à pic
Belle coïncidence, la naissance du petit gypaète barbu s’est déroulée presque sous les yeux des agents du Parc national, comme le raconte Régis Jordana, technicien du patrimoine dans le Valgaudemar : « Le 3 avril dernier, le comité technique "gypaètes" s'est rendu à La Chapelle pour une visite de terrain sur le site du couple local. Le comportement des oiseaux au nid nous ont laissés croire, à tous, que l'éclosion n'était pas très loin ou venait d'avoir lieu. Beau timing ! »
Deux jours plus tard, l’éclosion est bel et bien confirmée et datée au 3 avril. Depuis, les adultes se relaient au nid pour protéger le petit et aller chercher de la nourriture. Régis Jordana, témoin de l’un de ces allers-retours, explique : « L'adulte au nid est très précautionneux, regardant très souvent sous lui. L'autre adulte a apporté de la nourriture, l'a transmise à l'oiseau au nid avant de repartir casser un os en adret. L'oiseau au nid s'est rapidement mis à s'agiter, semblant donner la pitance au jeune. »
Une ponte tardive mais pas anormale
Petite particularité de cette naissance, son caractère tardif. « Nos gypaètes ont pris leur temps avec une ponte très tardive, aux alentours du 12 février », explique Régis. Cette date certes avancée dans la saison n’est pas étonnante compte tenu de l’âge des deux gypaètes. Régis confirme : « Il s’agit de la première reproduction d’un couple jeune, avec une femelle qui n’a pas encore son plumage adulte. Et il est avéré que les jeunes pondent très tard, puis la date de ponte se rapproche progressivement de début janvier quand ils vieillissent. »
Pour l’instant, pas d’inquiétude à avoir sur l’inexpérience supposée de ce jeune couple, comme en témoigne Régis : « D’après nos observations et celles des bénévoles d'Envergures alpines, le jeune n’est jamais laissé tout seul au nid. »
Si l’élevage du jeune se poursuit dans de bonnes conditions (ce qui ne peut être assuré à ce stade), le gypaéton pourrait s’envoler du nid aux alentours du 1er août. En 120 jours environ, ce jeune passerait alors de 120 grammes à environ 6 kilos et d'une envergure ridicule à 3 mètres de voilure. « Une croissance exponentielle, impressionnante, que nous allons suivre et faire vivre », commente Régis.
Des nouvelles des autres couples du massif
Cette éclosion dans le Valgaudemar est la troisième du massif cette année. Elle fait suite à celles, plus tôt dans la saison, chez le trio de Malaval en haute Romanche et le couple du Vénéon, à la fin février. Pour le dernier couple qui s’est établi à Molines-en-Champsaur en 2023, pas de reproduction au programme puisqu’il s’agit d’un couple… de mâles ! Cette situation inhabituelle est toutefois de bon augure, comme l’explique Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée au Parc national : « Cette installation est la preuve que le milieu est favorable pour l’espèce et qu’elle souhaite s’y maintenir. Ça laisse ouverte la possibilité que dans le futur, une femelle vienne s’installer avec l’un des deux mâles, voire les deux comme pour le trio de Malaval. »