Réflexions partagées autour des alpages sentinelles

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Au-delà des protocoles d'étude destinés à comprendre et anticiper l'impact des aléas climatiques sur les alpages, c'est bien le dialogue et les échanges noués entre les partenaires de ce programme qui sont immédiatement constructifs.

Éleveurs, bergers, techniciens agricoles, pastoralistes, chercheurs et agents du Parc national des Ecrins : ils étaient une quarantaine à se retrouver ce mardi 22 mars à Châteauroux pour une journée de bilan et d'échanges autour du programme "Alpages sentinelles".

Cette journée annuelle de "bilan" est l'occasion pour tous de partager des savoir-faire, des expériences, des réflexions... Que l'on soit chercheur au CNRS, berger, éleveur ou technicien pastoral, chacun apporte sa contribution. En cela, déjà, le programme "Alpages sentinelles" est un lieu de dialogue original et particulièrement riche.

Voilà quatre ans que le Parc national et ses partenaires ont mis en place cet observatoire partagé, afin de suivre l'évolution conjointe des espaces naturels et des activités pastorales sous l'effet des conditions climatiques. Le programme tient compte aussi des événements que connaissent, dans le même temps, les exploitations d'élevage.

Sur une dizaine d'alpages dits "sentinelles", différents paramètres physiques, naturels et humains sont étudiés pour comprendre et anticiper l'impact des aléas climatiques sur l'ensemble des alpages du Parc national des Ecrins.

Cette année, deux alpages de l'Argentière-la-Bessée (Crouzet et Grande Cabane) ont fait l'objet d'une présentation plus approfondie quant aux données accumulées pendant ces premières années de suivi. Un tour d'horizon moins détaillé a aussi permis de faire le point sur les conditions d'exploitation de l'année passée, pour l'ensemble des alpages du dispositif.

Dans les remarques générales, on remarque que l'enneigement tardif a retardé la pousse de l'herbe au printemps 2010. Certains éleveurs ont même décalé leur montée à l'alpage pour tenir compte de ce phénomène. Ensuite le mois de juin a été particulièrement froid... Pourtant, malgré ce début d'estive relativement pénalisant, la ressource en herbe a été globalement suffisante. Il en restait même à l'automne... mais l'arrivée précoce de la neige n'a pas permis de la "faire manger". En vallée, c'était aussi "plutôt une bonne année" pour les foins.

Des outils pour décider ensemble

Il faudra attendre encore plusieurs années de mesures et d'analyses avant de pouvoir déduire de véritables résultats pour ce programme à long terme. Mais tous ces échanges, complétés par ceux qui ont lieu pour la mise en œuvre des différents protocoles de suivis sur les alpages et dans les exploitations, sont particulièrement utiles pour gérer les variations d'une année à l'autre.

C'est aussi l'occasion d'aborder d'autres difficultés récurrentes comme celles liées au foncier, aux risques de prédation qui modifient radicalement les conditions de garde, à l'intérêt de "conserver un bon berger pendant plusieurs années", à l'arrivée possible des campagnols qui nécessite d'intervenir dès les premiers signes pour limiter les dégâts d'une pullulation ensuite incontrôlable.

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Pour la partie plus scientifique du programme, Sandra Lavorel, chercheur au laboratoire d'écologie alpine (LECA), a expliqué comment s'organisera le suivi de la ressource en herbe, initié l'an dernier, et qui complètera de façon plus objective les informations consignées par le berger.

Tous les autres protocoles d'études se poursuivent : le suivi de déneigement par satellite, les mesures météorologiques, les lignes de lecture de la végétation, les pratiques pastorales, le fonctionnement des exploitations... Des capteurs expérimentaux ont été mis en place sur un alpage pour enregistrer les niveaux d'humidité dans le sol.

"On s'est doté des outils qui nous semblent les mieux adaptés pour pouvoir prendre ensemble des mesures si on devait affronter à nouveau une période de sécheresse comme entre 2003 et 2005" résume Richard Bonet, responsable du service scientifique au Parc national des Écrins. "On espère que l'on aurait alors assez d'éléments d'information pour piloter des évolutions éventuelles dans les pratiques pastorales. C 'est un pari sur l'avenir."

En tout cas, l'intérêt de la démarche mise en œuvre dans les Écrins commence à faire des émules. Les alpages sentinelles des Écrins font des petits... en Vanoise notamment.

Pour en savoir plus

2011-03-couv-fiche-asTélécharger la fiche technique Alpages sentinelles - un espace de dialogue (2.18 MB)

Ils représentent une variété de situations, de caractéristiques naturelles dans les sept secteurs du Parc national. Ils accueillent des troupeaux locaux ou des grands transhumants.
Tous sont gardés. Bergers et éleveurs sont motivés et impliqués dans le suivi.
La gestion est individuelle ou réalisée par un groupement pastoral. En vallée, les exploitations qui utilisent ces alpages développent différentes productions : ovins ou bovins viande, vaches laitières...

Lire l'article paru dans Alpes Magazine - avril/mai 2011 : Les alpages sous bonne garde

Lire l'article : Alpages sentinelles... du changement climatique