Les refuges au cœur des discussions

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Samedi 9 décembre se sont clôturées trois journées intenses d’échanges et de travail sur le futur des refuges de montagne à Briançon. Un vrai succès pour ces rencontres qui ont réuni 330 participants venus d’horizons différents et qui ont d’ores et déjà permis de dégager des pistes d’adaptation aux changements qui les affectent.

La communauté de la montagne au rendez-vous

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE Organisées à l’initiative du Parc national des Écrins, de l’Université Grenoble-Alpes, de la FFCAM et du Syndicat des gardiens de refuges, les rencontres Refuges au cœur des transitions se sont déroulées au théâtre du Briançonnais du 7 au 9 décembre. Elles ont rassemblé un joli panel de la communauté de la montagne, venu de tous les horizons. Géographiques tout d’abord, avec une soixantaine de participants italiens et suisses. Professionnels ensuite, avec la présence de propriétaires et de gardiens de refuges, de guides de haute montagne, d’accompagnateurs en montagne, de représentants d’espaces protégés (dont tous ceux impliqués dans le programme BiodivTourAlps qui a permis de financer l’événement), de collectivités (dont les Régions Sud et AURA, les Départements des Hautes-Alpes et de l’Isère) et du commissariat de massif des Alpes. Le point commun de tous ces acteurs : le constat partagé des changements qui affectent actuellement la montagne, dont le changement climatique et l’évolution de la fréquentation, et de la nécessité d’adapter les refuges à ces phénomènes.

De nombreux constats partagés par les participants

Le double format des rencontres - tables rondes et ateliers de travail - a permis de croiser les regards, d’enrichir les constats et de faire des propositions d’actions. « Il y a eu une très bonne participation de tous les acteurs, commente Pierrick Navizet, chef du service accueil-communication au Parc national, et nous nous en réjouissons. »

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE

Parmi les constats posés au cours des échanges, la diversité des situations des refuges face aux transitions actuelles. Pierrick Navizet explique : « On a d’un côté les refuges de haute montagne fortement ébranlés par le changement climatique dans leurs accès, leurs activités et parfois même leurs infrastructures, et qui perdent un peu de clientèle. De l’autre, les refuges de moyenne altitude qui attirent plutôt les randonneurs, les personnes en itinérance et les familles, et qui sont dans une dynamique florissante avec une fréquentation en augmentation et de nouveaux publics comme les bivouaqueurs. » Il n’y a donc pas une définition unique du refuge de montagne, et les adaptations à mettre en place ne seront pas les mêmes suivant la localisation du refuge, les activités proposées aux alentours, les attentes du public, les ressources disponibles (en eau notamment)...

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE Deuxième constat partagé entre les participants : les missions des refuges évoluent. « La fonction première et historique des refuges est d’offrir un abri, rappelle Ludovic Schultz, directeur du Parc national. Souvent à l’initiative des gardiens, de nouvelles missions d’intérêt général apparaissent aujourd’hui. C’est le cas de l’éducation des visiteurs à la montagne, aux enjeux climatiques et aux risques naturels. La question se pose donc de comment accompagner les gardiens dans cette démarche, via la reconnaissance de cette mission et des supports pédagogiques adaptés. »

Les échanges ont également vu émerger un autre consensus : la nécessité d’innover pour s’adapter aux changements. Ludovic Schultz commente : « Les différents acteurs ont bien conscience des enjeux actuels auxquels sont confrontés les refuges, comme la sobriété énergétique, la limitation des impacts environnementaux ou la prise en compte des impacts sur la biodiversité. » L’innovation devrait ainsi permettre d’améliorer la gestion de l’eau et de l’assainissement, ou de mieux connaître les évolutions de la montagne. L’Université Grenoble-Alpes a d’ailleurs profité des rencontres pour présenter la toute première base de données des refuges des Alpes, qui regroupe les résultats de recherches sur la fréquentation, la climatologie, la biodiversité, les risques naturels… Quelques enseignements liés à cette base :

  • Les Alpes comportent 234 refuges, ce qui représente 9 466 lits.
  • Les massifs du Mont-Blanc, de la Vanoise et des Écrins représentent 50 % des refuges des Alpes (41 dans les Écrins).
  • Avec 10 refuges, la commune de Saint-Christophe-en-Oisans est celle qui comporte le plus de refuges dans les Écrins et la seconde en France.

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE

Des propositions d’actions s’esquissent

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE La journée du samedi a été l’occasion de présenter à tous les résultats des ateliers de travail. « Il y a d’ores et déjà un axe de travail autour de la législation, explique Pierrick Navizet. La définition des refuges date de 2007, et leurs missions ont évolué depuis. Les participants ont évoqué la nécessité de travailler à une actualisation, sans toutefois s'écarter de la fonction essentielle d'abri. De la même manière, le sujet des normes des bâtiments a été au centre des discussions avec des pistes d’adaptation aux sites isolés qui ont été mises en avant. » La députée des Hautes-Alpes Pascale Boyer et le commissariat de massif se sont déclarés prêts à pousser les modifications réglementaires nécessaires, tout comme les représentants de la région du Piémont italien pour adopter des textes communs avec la France.

Au travers des ateliers, des propositions ont également émergé pour s’adapter aux effets du changement climatique en haute montagne. « Il nous faut trouver de nouvelles formes d’organisation, de nouveaux partenariats et de nouvelles formes de construction pour s’adapter aux conséquences du changement climatique en haute montagne, synthétise Pierrick Navizet. Cela pourrait passer par des réseaux de refuges-bivouacs à structure légère en haute altitude, organisés autour de refuges « camps de base » à des altitudes moyennes, plus préservées. Pour cette idée, le haut Vénéon en Isère serait le cas d’étude parfait, en particulier pour travailler sur les conséquences de la fermeture du refuge de la Pilatte et de l’évolution dans les vallons adjacents de la Bérarde. »

Rencontres "Refuges au coeur des transitions" © T. Maillet - PNE Les élus et partenaires présents se sont également exprimés sur le modèle économique des refuges, beaucoup de bâtiments ayant besoin d’être rénovés dans un futur proche. Ils ont ainsi proposé d’explorer la piste du mécénat et des fonds privés pour participer au financement de ces travaux. L’organisation de la gestion des situations de crise autour des accès aux refuges est ressortie comme un sujet central pour bien gérer le partage et la fiabilité de l’information (coordination, circulation de l’information interne et externe, fonds pour les interventions d’urgence…). Enfin, le besoin de développer la connaissance et l’observation des refuges pour alimenter les décisions et montrer le poids des refuges a été partagé (base de données, recherche partenariale, étude de la ressource en eau, risques…).

Un document stratégique et une feuille de route en projet

Pour synthétiser toutes les conclusions et recommandations qui ont émergé pendant les rencontres et prioriser les actions, la prochaine étape consistera en la rédaction d’un document de cadrage (type "pacte" ou "livre" associé à une feuille de route opérationnelle) par un collectif franco-italien et impliquant les co-organisateurs des Rencontres. Face à l’enjeu de poursuivre régulièrement les échanges entre tous les acteurs des refuges (les dernières rencontres dédiées aux refuges dataient de 2016), le Parc national pourrait accompagner ce travail collaboratif avec les moyens et les partenaires* du projet BiodivTourAlps. Le comité de massif des Alpes et son groupe refuges seront également directement impliqués dans ce processus coté français.

Une fois les orientations du collectif clairement définies, le temps sera venu de rechercher financements et accompagnements. Ludovic Schultz commente : « Les représentants de la Région Sud et des Départements de l’Isère et des Hautes-Alpes se sont d’ores et déjà positionnés sur leur volonté d’accompagner financièrement les projets de transition des refuges. C’est une très bonne nouvelle ! »

Concert de la Tournée des Refuges © A. Martin

Des remerciements nombreux

Le Parc national des Écrins souhaite remercier ses partenaires pour leur engagement à ses côtés dans l’organisation des rencontres (Université Grenoble-Alpes, FFCAM et Syndicat national des gardiens de refuge), tous les participants pour leurs précieuses contributions, en particulier les Parcs italiens, la Ville de Briançon pour la mise à disposition du Théâtre du Briançonnais, l'association des gardiens de Hautes-Alpes pour l'apéritif offert, et les artistes de la Tournée des Refuges pour le concert très apprécié du vendredi soir !

Enfin, n'oublions pas le fait que les 50 ans du Parc national des Écrins ont été célébrés avec la communauté des acteurs des refuges lors de ces rencontres ! L'occasion de déguster une sélection de produits estampillés Esprit parc national fournis par des producteurs du massif des Écrins.

Concert de la Tournée des Refuges © A. Martin Concert de la Tournée des Refuges © A. Martin

Les Actes des rencontres à venir

Les co-organisateurs travaillent déjà à la préparation des Actes des rencontres qui devraient être diffusés fin mars 2024.

 

Le projet BIODIVTROURALPS (n°20140) est cofinancé par l'Union Européenne.

* Les partenaires du projet sont : Parcs nationaux du Mercantour, des Écrins et de la Vanoise, Ente di Gestione delle Aree Protette delle Alpi Marittime, Parco Naturale Regionale delle Alpi Liguri, Ente di Gestione dei Parchi delle Alpi Cozie et Parco Nazionale Gran Paradiso.