
Il est des plantes qui ne ressemblent à aucune autre. C'est le cas de la scrofulaire du printemps (Scrophularia vernalis). Sa haute taille, sa pilosité mollement glanduleuse, sa tige carrée à larges feuilles dentées et sa tonalité d'ensemble vert-jaune forment un ensemble qui attire irrésistiblement l'œil du premier botaniste venu.
Son aire de répartition couvre toute l'Europe centrale et méridionale des Pyrénées à la Russie.
Et pourtant, il s'agit d'une espèce fort méconnue, qui vit là où personne n'irait chercher une espèce rare : parmi des banalités reconnues telles l'ortie dioïque, la vergerette du Canada ou le brome stérile.
Or, ce printemps 2011, la chance a souri aux botanistes du Parc national des Écrins.
Tout d'abord, ce sont deux localités déjà connues dans la littérature qui sont retrouvées : celle du Bas Lieu en Valgaudemar et celle de Chabrand en Valbonnais. Puis, ce sont trois nouvelles qui sont découvertes : une au Séchier (Valgaudemar) et deux dans le Valbonnais, à Gragnolet et aux Verneys.
De quoi réjouir Pierre Salomez, botaniste au Parc national. A quelques jours de la retraite, il ne manque pas une occasion d'ajouter quelques informations dans les bases de données du Parc. « Les habitats de l'espèce ont été précisés dans les Écrins » ajoute t-il : « il s'agit des vieux murs de pierres sèches, des jardins à l'abandon ou des haies humides et fraîches . Refusant la maison amoureusement entretenue tout comme la ruine dévorée par la forêt, la scrofulaire de printemps choisit la résidence secondaire de moyen standing ».
S'il parle de résidence secondaire, c'est que, dans les Écrins, les origines de cette scrofulaire posent question : « l'absence de l'espèce dans son biotope primaire (clairière au sein de la hêtraie sapinière) suggère qu'elle n'est pas autochtone dans ce territoire... et peut-être même en France ».
« Son introduction remonte sans doute à l'Ancien Régime comme atteste sa présence aux abords des grandes abbayes (Cluny) ou des châteaux royaux (Vizille) » analyse Pierre Salomez. « Probablement a-t-elle été plantée dans les "jardins de simples" où les religieux du Moyen Age cultivaient plantes médicinales, alimentaires et magiques. Pour autant, Scrophularia vernalis n'est citée dans aucun document récent traitant de la pharmacopée traditionnelle.
Espérons que la rénovation du patrimoine bâti laisse subsister cet élément du patrimoine végétal égaré chez les humains. »
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