Des populations en déclin
L’origine du projet remonte à un triste constat réalisé par le Parc national des Écrins en 2023 : l’alarmante érosion des effectifs de reines des Alpes dans toutes les vallées du parc, autant dans ses habitats primaires (les pelouses fraîches non pâturées) que secondaires (les prairies de fauche). En cause, le changement d’utilisation des terres, la fermeture des milieux et les sécheresses successives. « La reine des Alpes est une espèce fortement liée à l’homme et aux pratiques agricoles, explique Cédric Dentant, botaniste au Parc national. Le pâturage d'automne, la fauche tardive et le maintien de milieux ouverts sont bénéfiques pour les populations. Lorsque les milieux se referment et et qu’on remplace la fauche par la pâturage par exemple, la reine des Alpes décline. Avec l’intensité du réchauffement climatique qui s’accentue en montagne, c’est en quelque sorte une double peine pour la plante. »
Des points communs pour un projet collectif
La régression de la reine des Alpes ne se cantonne malheureusement pas au massif des Écrins mais concerne l’ensemble de son aire de répartition. Pour donner plus de poids à un projet de sauvegarde de l’espèce, le Parc national des Écrins s’est associé aux Parcs nationaux de la Vanoise et du Mercantour, et à Asters, le conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie, tous trois accueillant également des populations de reines des Alpes. D’autres éléments sont venus compléter le tableau : la fritillaire de Moggridge, plante emblématique du Mercantour, et les combes à neige et les pelouses de crête, milieux étudiés de près par Asters et le parc de la Vanoise, ont été intégrés au projet. Car cette espèce et ces milieux partagent un point commun avec la reine des Alpes : « ils subissent une forte érosion et de fortes contraintes liées aux changements globaux, agricoles, pastoraux et climatiques », détaille Cédric Dentant.
Cet élargissement du projet permet donc de bénéficier d’une vue plus globale, en s’intéressant au milieu et au contexte pastoral et pas uniquement aux espèces. Marion Janel, la chargée du projet, confirme : « Le symbole que représente la reine des Alpes est un comme tremplin pour étudier également ce qui se passe autour. En la protégeant et en agissant sur son milieu, on protège aussi le cortège d’espèces végétales et animales qui gravite autour d’elle. »
Un projet aux objectifs variés
Le projet Royaume a débuté officiellement en juin 2025 et se poursuivra jusqu’en 2028. Plusieurs objectifs sont fixés. Le premier est évidemment la restauration des populations de reines des Alpes et de fritillaires de Moggridge, et la création de conditions favorables à la pérennité de leurs habitats. Un volet scientifique est également au programme, pour mieux comprendre les interactions entre les activités agropastorales et la biodiversité. Afin d’intégrer des approches et des points de vue différents, des réflexions et des actions conjointes sont prévues avec les agriculteurs, bergers et forestiers, le projet ne pouvant aboutir sans leur aide et leur implication, mais aussi avec les scolaires et le grand public, notamment le public porteur de handicap.
Pour toutes ces actions, le projet Royaume bénéficie du soutien de l’Union européenne.
Zoom sur les pelouses nivales
Aussi appelées combes à neige, elles sont directement menacées par le réchauffement climatique : beaucoup des espèces qui les composent sont tributaires d’un enneigement long qui les protège du gel. Or, sous l’effet du changement climatique, la durée de l’enneigement et les accumulations neigeuses diminuent fortement. Ce milieu est également lié à l'activité pastorale mais les impacts, notamment l’eutrophisation et le sur-piétinement, sont encore difficiles à évaluer et nécessitent d’être mieux étudiés et évalués.
Zoom sur les pelouses de crête
Présentes entre 2000 et 3000 mètres d’altitude, elles se composent de plantes adaptées aux conditions difficiles de la haute montagne (vent, températures extrêmes, sol pauvre, humidité variable). Elles se caractérisent par une couverture végétale basse et herbacée, souvent constituée de graminées et de plantes vivaces. Les pelouses de crête jouent un rôle écologique important, notamment en prévention de l'érosion grâce aux racines qui aident à stabiliser le sol et à prévenir l'érosion causée par le vent et l'eau. De plus, elles abritent une grande diversité d’espèces floristiques, y compris des espèces endémiques et rares, ainsi que des insectes et autres animaux spécifiques à ces habitats tels que le lagopède alpin. La conservation de ces écosystèmes est donc cruciale pour maintenir leur fonction et leur diversité biologique. Les pelouses de crête sont souvent menacées par des activités humaines (pâturage intensif, les sports d'hiver) et le changement climatique.