Les alpages à la loupe

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Les éleveurs et bergers devront faire face à des aléas climatiques de plus en plus extrêmes sur les alpages © Edith Debray
A Vallouise, la première des deux réunions proposées aux professionnels agricoles a réuni une trentaine de personnes pour échanger sur les marges de manœuvre en alpages, afin d'adapter les pratiques aux évolutions, aléas et événements extrêmes du climat.

Bilan MAEC - Alpages - vallouise -21-10-17 © C.Coursier - Parc national des Écrins

La question du changement climatique est plus que jamais présente dans les esprits, tout particulièrement concernant l'avenir de l'activité pastorale.

Bilan MAEC - Alpages - vallouise -21-10-17 © C.Coursier - Parc national des ÉcrinsDepuis près de 10 ans, à travers le programme Alpages sentinelles, les bergers, éleveurs, scientifiques, techniciens de l'environnement et professionnels agricoles tentent d'analyser ensemble l'impact du changement climatique sur les alpages et de trouver des solutions d'adaptation à court et long terme pour les activités pastorales.

A Vallouise, ce mardi 21 novembre, une trentaine de personnes a répondu à l'invitation du Parc national et de ses partenaires.

Bilan MAEC - Alpages - vallouise -21-10-17 © C.Coursier - Parc national des Écrins Les résultats des suivis réalisés sur les alpages du parc national dans le cadre de plusieurs dispositifs ont été présentés à des bergers, des éleveurs, des techniciens...

Autant de données concrètes pour organiser le dialogue, anticiper ensemble l'avenir et les marges d'adaptation possibles dans les pratiques.

Une seconde réunion aura lieu le lundi 11 décembre à la salle des fêtes d'Aspres-lès-Corps avec le même programme.
Inscriptions souhaitées avant le 4 décembre au 04 92 40 20 10 auprès de Mmes BOURGEOIS ou DELLA VEDOVA (SMS au 06 89 33 14 63) ou par mail : corine.bourgeois@ecrins-parcnational.fr

Bilan MAEC - Alpages - vallouise -21-10-17 © C.Coursier - Parc national des Écrins

La matinée était consacrée aux mesures agro-environnementales, contrats entre l'Etat et les groupements pastoraux pour la mise en place de pratiques particulières pour la protection d'espèces ou d'habitats ou la gestion de milieux pastoraux.

Les résultats des suivis concernent la réaction des espèces ou des milieux aux pratiques mises en œuvre.

reine des alpes - photo Thierry Maillet - Parc national des Ecrins A titre d'exemple, les reports de pâturage sont efficaces pour protéger la reine des Alpes dans la mesure où le pâturage d'automne est fort et permet d'enrayer la colonisation des milieux par les arbres et arbustes. Il a localement été aussi possible de remettre des parcelles en fauche, pratique in fine la plus favorable à l’espèce.

Sur les pelouses rases des combes à neige, la baisse de la pression de pâturage évite de dégrader plus fortement ce milieu naturel qui doit déjà faire face au changement climatique et à la réduction de la période d’enneigement.

Autre constat : l'alternance de période de pâturage (une année précoce/une année tardive) associée à une pression de pâturage assez importante peut être bénéfique aux pelouses subalpines productives (anciens prés de fauche) à la fois en terme de diversité floristique et de production d'herbe.

La seconde partie de la journée était consacrée à "Alpages sentinelles", dispositif multipartenarial qui permet de suivre l’évolution des alpages et des pratiques face aux aléas et au changement climatiques.

La présentation des travaux de Christophe Chaix (ASADAC) et Baptiste Nettier (Irstea) a permis de faire le point sur le changement climatique à l’échelle des Alpes françaises et de décrire les impacts concrets du changement climatique sur les alpages.

Le changement climatique est avant tout un réchauffement des températures avec +2°C depuis 1900 sur les Alpes (2 fois plus que dans le monde et 2 fois moins qu'en Arctique).
Les précipitations restent stables mais leur forme est incertaine (pluie ou neige). Les températures augmentant, l'évapotranspiration est plus forte et le bilan hydrique déficitaire, même assez fortement à Embrun. La forte variabilité d’une année sur l’autre sera la règle à l'avenir.

Pour plus d'infos, voir le livret « Comprendre le changement climatique en alpage »

Calage mesures biomasse végétale - © Leïla Thouret - Parc national des Écrins Les suivis des données relatives aux températures (air et sol), précipitations et déneigement montrent bien les accidents climatiques de ces dernières années.

Par exemple, les températures élevées du printemps 2017 ont permis le démarrage de la végétation dans les alpages. Le gel tardif qui a suivi, très visible même au niveau des sondes enterrées dans les quartiers bas d'alpage, n'a en revanche pas impacté les végétations plus hautes en altitude, encore sous la neige.

Les végétations des alpages, quant à elles, suivent la variabilité climatique avec des niveaux de productivité très différents d'une année sur l'autre et bien sûr, très visibles dans les végétations productives. En 2016, par exemple, les observateurs ont  fait les relevés de hauteur d’herbe debout !

Au niveau de la composition floristique des végétations d'alpages, grâce à des sites de relevés en place depuis de nombreuses années dans les Ecrins, l'Oisans et le Vercors, on constate également une forte variabilité selon les années. Pour l'instant, les seuls milieux sur lesquels on observe une modification permanente de la végétation sont les combes à neige avec une banalisation de ces milieux (plus de graminées).

Des outils pour s'adapter

Les suivis pastoraux et des exploitations, quant à eux, montrent les stratégies développées par les bergers et/ou les éleveurs pour s'adapter aux épisodes difficiles. Par exemple, en 2013 (printemps tardif), l'herbe n'avait pas encore suffisamment poussé aux dates habituelles d'arrivée des troupeaux. Certains éleveurs ont repoussé la date de montée des troupeaux en gardant leur animaux sur des prés de fauche ou sur des surfaces tampons. Dans d'autres cas, les troupeaux ont été estivés à la même date parce que les éleveurs n'avaient pas de solutions sur leurs exploitations. Les bergers ont alors cherché des solutions sur l'alpage avec des surfaces tampons ou des végétations grossières plus avancées.

Un outil permettant d'évaluer la vulnérabilité d'un alpage au changement climatique est en cours d'élaboration. Il reposera sur une analyse du système pastoral, de l'exposition de l'alpage aux aléas climatiques, de la sensibilité des végétations et de la ressource en eau. Autant de critères pour identifier les adaptations possibles et construire des stratégies d'adaptation mobilisables respectant la cohérence du système pastoral et tenant compte des enjeux existants sur l'alpage (protection faune et flore, forêt..).

Les notions de fortes variabilités interannuelles, induites par le changement climatique, et la nécessaire adaptation et flexibilité des systèmes (fonctionnement, aides...) ont bien été soulignées.

Pastoralp, un projet transfrontalier en cours

Cette rencontre autour des alpages a été l'occasion de lancer officiellement le programme LIFE PASTORALP. Ce projet est construit en partenariat entre l’Université de Florence, l'IAR (Institut agricole régional) de la vallée d'Aoste, l'ARPA (Agence régional pour l'environnement) de la vallée d'Aoste, l'INRA (Institut de recherche agronomique français), l'IRSTEA (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture - France), le Laboratoire d'Ecologie Alpine, le Parc national du Grand Paradis (vallée d'Aoste) et le Parc national des Ecrins.

Les deux parcs nationaux sont à la fois partenaires et territoires support d'études et d'expérimentations.

Ce programme a démarré en octobre 2017 et se terminera en 2022. Il traitera des questions d'alpages et de changement climatique avec des propositions de recherche, notamment sur de la modélisation de la vulnérabilité pastorale (productive, environnementale et socio-économique) due au changement climatique, des questions plus techniques comme l'identification, l'expérimentation de stratégies d'adaptation au changement et aux aléas climatiques avec l'élaboration d'un plan stratégique reproductible et pouvant être repris dans les politiques publiques.

Ce programme s'appuie sur un comité de pilotage constitué d’acteurs locaux pouvant apporter leur contribution au dispositif.

Troupeau de brebis © M.Coulon - Parc national des Écrins

Lire le dossier : Changement climatique : quel avenir pour les alpages ?