
"Beaucoup d'animaux ont à ce jour rejoint leur site d'hivernage" commente Michel Bouche, technicien "patrimoines" au Parc national des Ecrins qui coordonne notamment les opérations de terrain du programme de suivi des bouquetins.
Elena à Champoléon - migration d'automne 2016
Il fait ici le point sur les derniers mouvements enregistrés grâce au programme de suivi télémétrique et sur quelques autres informations marquantes de cette fin d'année 2016 pour les bouquetins des Ecrins.
Les 2 mâles équipés de colliers dans l'Oisans ont rejoint le secteur du Valbonnais.
Moussaillon est parti fin octobre, faisant quelques haltes au pic du clapier du Peyron puis dans la réserve du Haut Béranger avant de glisser vers l'Arcanier puis rejoindre la vallée de la Bonne en amont du Désert en Valjouffrey début décembre, pou finalement revenir sur ses pas mi-décembre."
Blue moon, lui, a rejoint la réserve naturelle du Haut Béranger (et les chèvres férales) depuis la commune de Chantelouve dès la mi-novembre.
"C'est là où visiblement il a été en contact avec le virus du CAEV l'année dernière comme le montrent les résultats 2016 des sérologies" relève Michel Bouche.
Il est toujours possible de suivre les déplacements des bouquetins équipés d'un collier GPS sur le mini-site Bouquetins du Parc national des Ecrins
Les 2 femelles, Dorine et Djett 77, qui ont passé tout l'été dans la réserve du Lauvitel (avec quelques excursions jusqu'à Villar Notre-Dame et Valjouffrey pour Djett) sont rentrées mi-novembre sur l'Arcanier au-dessus d’Entraigues.
Côté Champsaur, Hachka, recapturée au printemps, est rentrée à Champoléon le 18 octobre après avoir passé l'été comme à son habitude sur les crêtes de Pian à Molines.
Chipie, dont le collier fait de la résistance (31 mois seulement de fonctionnement à ce jour), est rentrée du fond du Valgaudemar entre le 16 et le 20 octobre. Eléna qui l'avait accompagnée dans le Valgaudemar au printemps a attendu fin novembre pour la rejoindre sur les arêtes du Puy des Baumes.
Mael est rentré de Jartier sur Valestrèche puis dans le vallon des Tourronds à Champoléon fin octobre. Abricot a suivi ses traces début novembre puis s’est ravisé et est reparti sur Molines en Champsaur début décembre.
Pif qui, au contraire, était resté jusqu’au début décembre sur Molines a rejoint le Puy des Baumes dans Champoléon en passant sous le Puy des Pourroys où il a dû croiser Abricot...
Pendant un moment, on n'avait plus de nouvelles du bouquetin "Champsaur" qui avait passé l'été sur Vallouise, Freissinières et Orcières. Ce jeune mâle qui semble avoir des fourmis dans les pattes a pourtant été revu le 12 décembre à l'Aiguille de Jartier avec un groupe de femelles..
"C'est intéressant de noter les dates de migrations d'automne et de printemps, et surtout la rapidité de celles-ci" souligne Rodolphe Papet, garde-moniteur dans le Champsaur qui a toujours un oeil sur la colonie réintroduite dans la vallée : "Deux jours pour rejoindre le Pic de Pian (6-7 kms) et 4 jours le Gioberney (14 kms) lors des migrations de printemps".
Dans les Cerces, tout le monde est revenu dans la Guisane, même Dimanche et Fabien dont on attendait une migration transfrontalière. En 2015, Dimanche avait regagné son site d'hivernage en Italie à partir du 7 décembre.
Anais est revenue de la Clarée le 18 octobre et Horizon le 17 novembre.
Un réseau d'informateurs
Au-delà des informations données en temps réel sur les bouquetins équipés de colliers GPS, toutes les informations transmises lors d'observations visuelles sont précieuses.
Les colliers GPS fournissent 4 localisations par jour pour les animaux équipés mais tous les animaux marqués ne le sont pas et la technologie est parfois capricieuse. Vos observations sont donc particulièrement intéressantes pour le programme.
Merci donc, si vous observez un bouquetin marqué dans le massif des Cerces ou des Ecrins, de bien vouloir nous retourner la fiche-formulaire à remplir téléchargeable en cliquant ici
et à transmettre à : obs-bouquetins@ecrins-parcnational.fr
Horizon et Mickaël, deux bouquetins ainsi baptisés en clin d'oeil à des observateurs réguliers de la colonie des Cerces.
Dans les différentes vallées du massif, c'est tout un réseau d'observateurs passionnés qui s'est mis en place, en lien notamment avec les équipes des secteurs du Parc national.
"En Guisane et dans la Clarée, il y a maintenant un groupe de personnes vraiment fiables dans leurs retours d'observations" souligne notamment Eric Vannard, qui assure plus particulièrement le suivi de la population de bouquetins des Cerces. C'est le cas de quatre accompagnateurs du bureau d'Horizon ou encore de Mickaël, observateurs réguliers de la colonie.
"Ces personnes m'ont permis de suivre les déplacements récents et surprenants d'un vieux bouquetin non marqué au jour le jour" raconte Eric. "Le 1er décembre, l'un d'eux m'appelle pour me dire qu'un bouquetin est dans les champs en bord de route aux Guibertes. Le lendemain, un autre le signale au-dessus du Serre-Barbin. Le surlendemain, Pierre m'appelle car il est sur Villeneuve puis Elisa me dit qu'il est, 3 jours plus tard, au-dessus de Saint-Chaffrey. Après avoir longé le mur du cimetière de Briançon (info d'un employé de la ville), il est aujourd'hui sous la Croix de Toulouse..."
Les premiers résultats et un programme transfrontalier
Connaître les raisons de la mortalité des bouquetins est l'un des objectifs importants du programme de capture et de marquage d'animaux dans les Ecrins.
De nombreuses maladies "émergentes" ont été identifiées et on retrouve les traces des agents pathogènes responsables dans les analyses sanguines. Bien qu'on connaisse encore mal la réalité et les conséquences de ces maladies chez le bouquetin, on note une forte interaction avec la faune domestique. Il est de plus en plus nécessaire de veiller au bon état sanitaire des troupeaux domestiques pour éviter à l'avenir la contamination de la faune sauvage et le risque d'apparition de "réservoirs " sauvages de maladies domestiques.
Parmi les enseignements également relevés cette année, celui de l'impact de la maladie caséeuse, plus particulièrement chez les mâles : 2 nouveaux cas sur 6 autopsies réalisées s'ajoutent aux 6 animaux déjà victimes de cette maladie les années précédentes, maladie courante mais non mortelle chez les ovins domestiques bien alimentés. Les animaux sauvages touchés sont, eux, affaiblis et ne parviennent pas toujours à survivre à la période hivernale. Cette maladie pourrait à elle seule expliquer les anomalies démographiques constatées sur les populations de bouquetins des Ecrins.
Pour en savoir plus, lire : Une maladie semble accroître la mortalité des bouquetins
"Quelques colliers sont en fin de vie et nous allons devoir les récupérer. Pour 2017, les colliers déjà récupérés et reconditionnés (certains pour la deuxième fois) seront posés au printemps" annonce Michel Bouche qui continue d'organiser les opérations de capture, encouragé par les résultats de ce programme qui apporte également beaucoup d'informations sur l'utilisation de l'espace et des milieux ainsi que sur les éléments de la dynamique de poulation. Dix-neuf nouvelles captures ont été réalisées en 2016, ce qui porte le nombre total depuis 2013 à 83.
Près de 80 000 données de bouquetins, géolocalisées, datées et individualisées ont été recueillies depuis 2013 dont 23 000 l'année écoulée.
Cette abondance permet de croiser ces données avec les données physiques (pente, exposition, mais également ennneigement, production végétale.....) recueillies par l'établissement. Il est aussi possible de les confronter aux cartes de milieux ou de végétation et à celles des activités humaines, pour mieux comprendre le fonctionnement des populations de bouquetins et mieux déterminer les enjeux de protection relatifs à cette espèce.
Grâce à ces données, on a identifié les corridors de migration des animaux, montré des stratégies sociales et individuelles, cartographié précisément les zones de mise bas, fait des hypothèses sur le lien entre migration et production végétale.
En effectuant le suivi de ces animaux marqués, on s'est aperçu que toutes les femelles de 3 à 11 ans étaient fécondées, mais que seulement deux tiers d'entre elles avaient un jeune en été et seulement la moitié au printemps suivant.
Evolution en pourcentage de la fécondité, des mises bas et du recutement des femelles de Bouquetin des Ecrins
"Toute cette connaissance est indispensable à la conservation de cette espèce plus fragile qu'il n'y paraît" résume Michel Bouche.
L'acquision d'un collier a reçu le soutien d'EDSB, entreprise de distribution d'électricité à Briançon. Pour en savoir plus, lire : EDSB soutient le suivi des bouquetins des Cerces
Le futur programme Alcotra financé par l'Europe permettra de prolonger de trois ans cette expérience unique.
Mis en oeuvre avec sept espaces naturels transfrontaliers, dont notamment les Parcs nationaux de la Vanoise et du Mercantour, ce programme à moyen terme permettra aussi d'aborder d'autres aspects, comme la génétique ou les échanges d'informations avec les autres gestionnaires.