
À Molines-en-Champsaur (commune de La Motte-en-Champsaur), une coupe de bois est actuellement réalisée avec du débardage à cheval. A l'issue d'une étroite concertation entre le Parc national des Écrins et l'Office national des Forêts, cette solution alternative a été retenue afin d'éviter de créer une piste forestière dans le cœur du parc.
Un aménagement pour l'accès a néanmoins été réalisé sur une centaine de mètres avec l'installation de deux passerelles pour permettre d'approcher un tracteur qui récupère les bois tractés par les chevaux.
Pour cette coupe, combiner tracteur et cheval devrait permettre de conserver un équilibre entre la rentabilité de l'exploitation et la préservation du caractère du site.
Lors de la 3ème édition de "l'Appel de la Forêt" qui s'est déroulée les 18 et 19 juin 2011 derniers, des démonstrations de débardage à cheval étaient proposées par Laurent Savoldelli, l'exploitant forestier qui mène à bien ce travail.
Avec son frère, dans le cadre d'une entreprise familiale d'exploitation forestière, de bois de chauffage et de sciage, Laurent Savoldelli réalise le plus souvent du débardage "classique", avec un tracteur forestier. Le débardage à cheval représente environ 10% de son activité. Il nous explique les spécificités de cette technique.
Quand fait-on appel à vous pour du débardage à cheval ?
L.S : on m'appelle quand on souhaite une exploitation plus fine. C'est-à-dire que l'on souhaite mieux préserver les sols ou bien parce que des réglementations y obligent (cœur de parc national, zone habitat Natura 2000...)
Pourquoi avoir choisi de développer cette technique ?
L.S : tout d'abord, j'aime la forêt et les chevaux. Le fait d'associer les deux est un moyen de joindre l'utile à l'agréable. C'est également le moyen de travailler différemment de ce qu'on a l'habitude de faire et je trouve cela intéressant.
Quel type de chevaux utilisez vous ?
L.S : à l'heure actuelle, j'ai 2 comtois, 1 auxoise et 1 percheron. Je tourne avec les quatre bêtes pour une exploitation. En général, j'en fais travailler 2 le matin et 2 l'après midi. Il faut savoir qu'un cheval a une durée de travail d'environ 20 ans.
Comment avez-vous appris à faire ce métier spécifique ?
L.S : Je n'ai pas appris cela réellement. J'ai appris en regardant les anciens de mon village faire ce métier. Et j'ai appris sur le « tas » comme on dit. Je me suis « auto formé » et j'ai appris de mon expérience personnelle. J'apprends toujours au fil de chaque chantier, car tous sont uniques.
Est-ce que cette activité se fait de plus en plus ?
L.S : oh non ! c'est une activité assez « marginale » et oubliée ici. Dans le Jura, il existe encore des exploitations avec ce mode de sortie des bois ; mais on ne peut pas dire que le débardage à cheval est en pleine expansion.
Est-ce que vous faites du débardage à cheval toute l'année ?
L.S : non, on évite l'été pour ne pas trop faire souffrir les bêtes avec les grosses chaleurs. Et également l'hiver pour des raisons de sécurité.
Pourquoi utiliser les chevaux ? Pouvez-vous nous dire quels sont les avantages et les inconvénients de ce type d'exploitation.
L.S : alors les "plus" du cheval, c'est que l'on fait un travail propre et précis. Cela nous permet aussi d'acheter des bois sur pied à des coûts réduits.
Pour les inconvénients, c'est principalement le fait que l'on ne doit pas avoir une pente trop importante. Et aussi, le fait que les pièces de bois ne doivent pas dépasser 1 m3 (soit environ 1 tonne)
Quel est le rendement /jour moyen avec ce type d'exploitation ? Et quel volume de bois pensez-vous sortir d'ici ?
L.S : le rendement moyen est de l'ordre de 10 à 20 m3 par jour. Mais cela dépend beaucoup des conditions de l'exploitation (pente, densité du peuplement, ....). Ici je pense avoir une moyenne de 8 à 10 m3/jour. Sachant que la coupe représente 1 000 m3, cette exploitation est prévue pour une durée de 2 à 3 ans.
Quelles sont les précautions à prendre pour l'exploitation ?
L.S : quand on est comme ici sur un sentier de balade à pied, il faut le barrer au public pour la sécurité.
Je dois également abattre les arbres tous dans le même sens pour une meilleure reprise avec chevaux. Je dois également enlever les bois au fur et à mesure pour des questions de logistique et de facilité pour le travail.
Pour cette exploitation, vous combinez donc le cheval et le tracteur ?
L.S : oui. Les chevaux débardent les bois puis ils sont repris par le tracteur qui les traînent jusqu'à une place de dépôt. Les bois seront ensuite enlevés par un grumier pour être apportés à la scierie.
Est-ce une activité assez rentable pour vivre tout au long de l'année ?
L.S : le débardage à cheval seul non, car cela représente peu de coupes et une faible part de notre activité. Le débardage complet (cheval et tracteur) permet lui de vivre toute l'année. Le fait d'être le seul débardeur à cheval du département ne nous donne pas plus de travail. Mais le fait d'avoir une activité complète, du bûcheronnage des bois jusqu'au sciage, nous permet de mieux valoriser les produits
Est-ce qu'il y a une influence de la façon de bûcheronner avec la scierie familiale ?
L.S : oui, bien évidemment. Dès que je coupe un arbre, je sais déjà son utilisation pour la scierie. Je sais en temps réel les produits potentiels que l'on va produire. Mais il m'arrive de vendre les coupes que je débarde à d'autres scieries que la nôtre.
Propos recueillis par Simon Grorod,
stagiaire au parc national des Écrins sur le thème de la forêt.
Réalisation Xavier Petit - Document vidéo Parc national des Écrins