Les grands prédateurs... à la trace

-A A +A
Les suivis réalisés en hiver sont déterminants pour identifier les zones d'installation du loup et estimer ses effectifs... a minima. Aucune zone de présence permanente du loup n'est à ce jour confirmée dans le territoire du Parc national des Écrins. Les observations de lynx sont actuellement rarissimes.

C'est un rituel hivernal.  Deux jours après chaque chute de neige, tout un réseau d'observateurs part à la recherche de traces et d'indices qui trahiraient la présence du loup ou du lynx.  Dans la neige fraiche, les empreintes sont plus faciles à déceler...

Ce protocole compte parmi les suivis réalisés dans le cadre du réseau « Grands carnivores loup-lynx », coordonné par les Directions départementales des territoires (DDT) sous la responsabilité technique de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).  Ce réseau national, auquel le Parc national apporte sa contribution, est chargé du suivi de la présence et de la répartition des populations de lynx et de loups en France.

Des indices d'installation vers Freissinières

C'est notamment grâce aux suivis réalisés en hiver que l'on détermine les zones de présence permanente (ZPP) du loup... si au moins trois indices de sa présence sont confirmés lors de deux hivers successifs. On considère alors que la zone est occupée par au moins un loup "installé".

"Pour l'instant, le Parc national des Écrins ne compte aucune zone de présence permanente pour le loup" indique Gilles Farny, chargé de mission "faune" au Parc national. "Pendant l'hiver 2011, des indices de présence du grand canidé ont été régulièrement relevés vers Freissinières, de janvier à la fin mars". Une analyse génétique a confirmé la présence d'une louve, qui n'avait jamais été encore "détectée" par le réseau.

"Cet hiver, des traces de deux individus sont régulièrement relevées et on peut donc penser qu'ils sont installés".

Dans le Briançonnais, plusieurs observations ont été enregistrées au printemps du côté du col du Lautaret. L'analyse génétique d'un excrément collecté en mars 2011 au Monêtier-les-Bains l'attribue à un loup mâle mais dont le profil individuel n'a pas pu être réalisé.

Des constats d'attaque sur des troupeaux se sont multipliés dans ce secteur. La présence d'une meute installée en Clarée pourrait être incriminée mais aucun indice n'a pu être récupéré permettant une analyse génétique. Depuis le début de l'hiver, aucune trace de loup n'a été relevée.

"Les opérations de suivi hivernal renseignent deux indicateurs démographiques importants qui reflètent la tendance d'évolution de la population de loup, à savoir l'évolution du nombre de zones de présence permanente (ZPP) et l'effectif minimum retenu (EMR) Il s'agit du nombre minimum de loups résidant dans les meutes" explique Yannick Léonard (ONCFS), animateur du réseau dans les Alpes-du-sud.

"Cette méthode permet de dénombrer les loups par différenciation des empreintes dans la neige. Cela nécessite de suivre les pistes le plus longtemps possible car, les loups se déplaçant parfois en file indienne dans la neige, les empreintes peuvent se confondre. De plus, ces prospections permettent de collecter des indices "biologiques" (féces, urine, sang, poils) pour identification génétique à la fois de l'espèce et du profil individuel."

"L'un des points marquants en 2011 est la confirmation de la présence du loup au-delà des Alpes du nord, dans les massifs jurassien, franc-comtois et vosgien".

Carte bulletin du réseau national "loup-lynx" n°5 - août 2011.

Les données du suivi des populations permettent d'établir la cartographie des zones de présence permanente du loup (zone sur laquelle la présence du loup est vérifiée 2 hivers consécutifs), estimées à 27 au niveau national à l'issue de l'hiver 2010-2011. Aucune ne concerne le territoire du parc national des Écrins. Grâce au suivi hivernal, un effectif minimum (EMR) des loups présents peut être estimé. Pour l'hiver 2010-2011, sur l'ensemble des départements de présence, l'EMR est compris entre 68 et 88 loups (accroissement de 15 % par rapport à l'hiver 2009-2010).

Tout au long de l'année, le recueil des indices de présence (1) a pour objectif d'identifier les secteurs de fréquentation de l'une ou l'autre espèce à l'échelle de l'arc alpin et de participer à une meilleure connaissance de l'évolution spatiale des populations de ces grands carnivores.

"Au total, au cours des dix dernières années, ce sont 235 indices qui ont été récoltés dans l'ensemble du parc, avec un maximum de 58  indices en 2011. Cependant, ces chiffres ne reflètent que très indirectement la présence des espèces sur le territoire. Ainsi, une même observation peut faire l'objet de plusieurs indices. Par exemple, des traces conduisent à une proie sauvage, à proximité de laquelle on recueille des poils et un excrément" ajoute Gilles Farny. "De plus, seuls 150 ont été évalués par le réseau à ce jour : 69 sont jugés probables et 8 analyses génétiques confirment l'espèce loup. Ainsi 50 % des indices de présence recueillis ne sont donc pas attribués au loup ou au lynx".

2012-02-grah-indices

La répartition par secteur montre que les indices récents de loup concernent essentiellement les deux secteurs voisins de la Vallouise et du Briançonnais. Quant au lynx, deux observations seulement ont été relevées durant la période 2010-2011 dans l'entrée de la vallée du Valgaudemar.

2012-02-prov-hurl-295Pour le loup, un autre type de suivi est ponctuellement réalisé : le hurlement provoqué. Le principe est d'imiter le hurlement d'un loup pour susciter chez une meute installée une réponse en réaction de défense du territoire.

L'objectif principal est de mettre en évidence l'éventuelle reproduction de l'année en cours. Pour ce faire, plusieurs équipes se répartissent autour des sites de rendez-vous lorsqu'ils sont identifiés. Ces opérations sont réalisées en été, période pendant laquelle le jappement des louveteaux peut être distingué du hurlement des adultes.

Cette technique ne permet pas de dénombrer les loups car tous les membres d'une meute ne vont pas forcément répondre aux appels. De plus, à partir de 3 ou 4 individus hurlant en chœur, il est impossible d'individualiser à l'oreille les animaux...

Trois soirées ont été organisées en août et septembre 2011 dans la vallée de Freissinières, sans résultats.

Conserver des espèces... et le pastoralisme !

"L'ensemble des actions réalisées par le Parc national des Écrins s'incrit d'ailleurs dans les deux grands objectifs assignés par l'État, dans le cadre de la gestion des grands prédateurs dans le massif alpin" souligne Gilles Farny.  "Il s'agit du respect des conventions internationales sur le bon état de conservation des espèces tout en essayant de faire en sorte que la présence de ces espèces soit supportable pour le pastoralisme".

Ainsi, le Parc national est également partenaire des DDT pour la réalisation des constats de dommages à la faune domestique imputables aux grands prédateurs. Il participe aux réunions des Comités départementaux loup et représente l'ensemble des parcs nationaux au Groupe national loup.

2012-02-constat-295Depuis 2003, lorsqu'il y a des dégâts sur un troupeau domestique dans l'aire optimale d'adhésion du parc national des Écrins, les constats sur les animaux sont réalisés par les agents du Parc par réquisition de la DDT des Hautes-Alpes ou de la Fédération des Alpages de l'Isère.

Les attaques font l'objet d'indemnisations en fonction des renseignements portés sur le constat. Les cas les moins évidents sont débattus et tranchés au sein d'une commission composée des représentants de l'administration et des éleveurs. Une décision d'indemnisation favorable signifie que la responsabilité d'un grand prédateur ne peut être écartée.

2012-02-grah-constats

2012-01-ecrins-10ans246 constats ont été réalisés dans les Écrins entre 2001 et 2011, avec un  maximum de 39 en 2004. Environ 50% ont été indemnisés.

En 2011, sur 36 constats, 30 ont été indemnisés (83 %) pour 92 animaux tués, soit 3 victimes par attaque.

Toutes les indemnisations liées à des attaques dans le parc national des Écrins ont concerné des troupeaux ovins. Seuls deux constats indemnisés ont concerné le cœur du parc. Le grand prédateur incriminé est généralement le loup, hormis trois cas attribués au lynx en mai et en novembre à Ornon.

2012-12-patou-troupeau

Au-delà des suivis et des constats, les agents du Parc national sont aux côtés des éleveurs et des bergers, en lien étroit avec les techniciens pastoraux et les chambres d'agriculture, pour les accompagner dans la mise en place des mesures existantes dans les dispositifs nationaux.
Le Parc national des Écrins dispose par ailleurs de trois cabanes d'appoint héliportables qui peuvent être installées rapidement dans des quartiers de garde soumis à la prédation et qui manquent d'un équipement pour le berger.

L'utilisation des chiens de protection des troupeaux n'est pas toujours aisée et crée des difficultés ponctuelles, notamment avec les randonneurs. Des campagnes d'information tentent de sensibiliser les usagers de l'espace pastoral à la présence et au rôle des chiens de protection des troupeaux domestiques. Avec des conseils simples et essentiels sur les gestes à adopter en leur présence.

Pour en savoir plus :

Tous les bulletins d'information du réseau loup « Quoi de neuf », ainsi que le bulletin annuel d'information du réseau lynx sont consultables et téléchargeables sur le site de l'ONCFS.

Depuis juin 2009, de très nombreuses informations sont regroupées sur le site internet de l'Etat sur le loup en France.

2012-02-c-pas-sorcierPour les plus jeunes (et pour les grands aussi)

L'émission "C'est pas sorcier", consacrée au Grand retour du loup, diffusée sur France 3 en novembre 2011 : voir le site et la VIDEO de l'émission
Le plugin (gratuit) SILVERLIGHT est nécessaire pour visionner la vidéo

Voir aussi :

Loup y es-tu ? - août 2012
Malgré les indices de présence hivernale trouvés entre Freissinières et Saint-Crépin, les opérations de hurlements provoqués destinées à vérifier l'installation du grand canidé et sa reproduction n'ont reçu aucune réponse.

 

Encore un loup observé dans le Briançonnais - avril 2011

 

Un loup observé au Lautaret - mai 2010

 

 

Troupeaux et chiens de protection - juillet 2011

Une campagne de sensibilisation des promeneurs est menée par les services de l'État pour faire connaître les quelques réflexes à adopter dans les alpages en présence de chiens de protection des troupeaux

 

(1) Les indices collectés de manière aléatoire font l'objet d'une fiche du réseau : observation visuelle, empreinte et piste, hurlement, excrément-poil, proie sauvage, urine, cadavre de lynx ou de loup. Il peut s'agir soit d'indices recueillis directement par un agent du Parc, soit du recueil de témoignage. Les fiches sont transmises à l'ONCFS, qui centralise et traite l'ensemble des informations.

Une note de fiabilité est attribuée à chaque indice : douteux, non confirmé ou probable. Les excréments font l'objet d'une analyse génétique qui peut, non seulement confirmer l'espèce, mais identifier les individus et permettre ainsi de connaître les capacités de dispersion de certains animaux.