
Pour survivre à l’hiver, certains animaux quittent la montagne pour des cieux plus cléments (migration), d’autres s’endorment bien à l’abri (hibernation), mais un bon nombre d’espèces reste présente et doit s’adapter pour faire face au froid.
Les animaux continuent donc de se déplacer pour se nourrir et s’abriter. Pour la plupart, ils se cantonnent à un petit territoire qu’ils arpentent discrètement, attentifs aux risques d’une mauvaise rencontre.
Dans la neige fraîche, leurs traces de pas sont facilement visibles. On peut voir quelques empreintes qu’il est difficile de suivre mais parfois de véritables pistes laissent deviner par où l’animal s’en est allé. Cette écriture est plus ou moins facile à déchiffrer. Selon la densité et la température de la neige, l’empreinte sera plus ou moins nette.
Il peut être tentant de les suivre... Mais mieux vaut s’en abstenir ! Un animal déjà éprouvé par les conditions de vie hivernales sera encore affaibli s’il doit fuir l’homme, et sa survie peut alors être compromise. Inutile d’ajouter à ses difficultés...
Des empreintes et d'autres indices
C’est d’abord aux traces de pattes dans la neige ou la terre humide que l’on pense, mais bien d’autres indices peuvent laisser deviner la présence de la faune !
D’abord les sons... Sans réussir à les voir, on peut entendre dans les bois (et reconnaître, avec un peu d’entraînement) la mésange bleue, la sitelle torchepot ou le casse-noix moucheté... Peut-être aussi le tambourinement du pic noir ou le cri d’alarme du chamois, en alerte bien avant d’être vu. Il y a aussi des restes de repas, os, plumes et poils, enveloppes de graines... Les terriers, les vieux nids et les abris creusés dans les arbres morts ou dans la neige... Et puis les excréments de tout ce petit monde discret.
A la belle saison, d’autres indices, encore, seront visibles : nids des oiseaux, mues des reptiles ou de certains insectes, pontes diverses, gales de végétaux provoquées par des insectes...
La discrétion de la faune sauvage peut laisser croire à son absence, mais tous ces indices révèlent une infinité d’activités : passages, repas, portée, nichée, et rencontres fatales pour certains. C'est avec un minimum d’attention, beaucoup de curiosité et plus encore de respect, que l’on peut partir à leur découverte, équipé d’une loupe, d‘un décimètre et d’un bon guide naturaliste !
Pour se protéger du froid, le tétras lyre se creuse une loge dans la neige où la température descend moins qu’en surface. Il n’en sort que quelques heures dans la journée pour se nourrir.
Les crottes trahissent sa présence dans ce drôle de “terrier”.
Ici, une rencontre entre un lièvre variable et l’un de ses prédateurs, peut-être un renard, a eu lieu.
Le lièvre variable y a laissé des plumes, ou plutôt des poils ! C’est l’une des rares espèces qui change de couleur en hiver, mais le procédé n’est pas infaillible.
Le lagopède est, comme le tétras, un adepte des loges dans la neige. Sur l'image de gauche, il a déposé les empreintes de ses rémiges (plumes des ailes) sur la neige fraîche en prenant son envol.
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Le lagopède, à l'épreuve du climat,
Un tout petit animal se déplaçant par bonds successifs, et dont la longue queue laisse un sillage ?
Peut être un mulot, qui ne s’éloigne jamais bien loin de son abri, ou un autre micromammifère...
Le renard, parti chasser sans doute, trotte sur la neige. Il semble savoir où il va, la trajectoire de sa piste, presque rectiligne, ne se sera déviée que par l’indice de présence d’une proie ou d’un danger éventuel.
Des animaux étranges qui se déplacent en zig-zag à la montée et en courbes à la descente, ni pour fuir, ni se nourrir ou s’abriter ?
Des randonneurs à ski, profitant de bonnes conditions de neige.
Quand la neige fond, la boue est aussi un excellent terrain pour observer les traces. Ici, un blaireau a posé ses pattes. On y voit très nettement les coussinets de ses cinq doigts, sa paume, et le bout de ses griffes. En hiver, il n’hiberne pas mais reste sans sortir de son terrier pendant des périodes de repos, grâce à la graisse accumulée à la belle saison.
Sur le tronc déneigé d’un vieil arbre tombé, les gravures de l’ips typographe.
C’est un petit coléoptère qui creuse des galeries sous l’écorce des épicéas, où il pond ses oeufs et passe l’hiver, sous forme de larve ou d’adulte. Les amas de «poudre» brune sont les déjections de ces insectes qui se nourrissent des fibres tendres du bois.
Les quatre pattes de l’écureuil posées bien nettement en éventail.
Il se déplace par bonds dans la neige d’un arbre à un autre, sans doute à la recherche de ses cachettes de nourriture.
Une voie en forme de triangle, 2 pattes posées devant sur une même ligne… Mais pas celles que l’on croit !
Le lièvre variable se déplace par sauts, il pose d'abord ses deux pattes avants, qui forment le tronc du "Y" puis ensuite les pattes arrières qui viennent former les 2 branches du "Y".
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L comme... Lièvre variable
Lièvre variable : la génétique au service des gestionnaires
En hiver, le chamois économise ses forces. Les traces de ses 2 ongles, plus fines et plus longues que celles du chevreuil, sont bien visibles.
Il se tient plus bas en altitude qu’en été, souvent dans la forêt.
A moins qu’il ne soit dérangé, il se déplace en marchant.
En cette période de disette et selon les conditions d'enneigement, nombre d'entre eux, surtout les jeunes, ne résistent pas jusqu'au printemps.
Ces sculptures étranges ont été créées par le passage d’un chamois.
La neige tassée sous les pattes de l’animal à son passage a durci, tandis que le vent a balayé la neige poudreuse aux alentours. Les traces sont donc maintenant en relief. C'est la disposition des traces les unes par rapport aux autres, l’écart entre chacune d’elles, et le milieu naturel dans lequel elles se trouvent qui facilitent ici leur identification, plus que le dessin des empreintes, devenu illisible.
Les traces de pas caractéristiques d’un oiseau de la famille des galliformes (tétras, perdrix, gélinotte, lagopède), en forme de croix.
Ici une gélinotte des bois.
Elle vit entre 800 et 1800 m d’altitude, dans le domaine forestier, où elle se nourrit de végétaux (chatons de bouleaux, de noisetiers, pousses de myrtilles).
En altitude, le renard et le lièvre variable ne sont pas les seuls à laisser leurs traces. Il y a aussi l’hermine qui se déplace par bonds, posant ses pattes arrières à l'emplacement de celles de devant. Ce petit mustélidé brun en été, devient tout blanc en hiver, à l’exception de la pointe de sa queue.
Dans la neige un peu réchauffée, puis gelée à nouveau, les traces un peu fondues d’un prédateur revenu dans les Alpes : le loup.
La forme, la taille et la longueur de chaque empreinte de pas, ainsi que la forme rectiligne de la piste, ne laissent que peu de doute quant à leur auteur.
La loge du pic noir, une fois les petits de l’année partis, ne reste pas vide longtemps.
Creusée dans un arbre dès février, de 4 à 10 mètres au-dessus du sol, elle abrite ensuite d’autres oiseaux ou de petits mammifères ainsi que des insectes.
Petit glossaire :
Empreinte : dessin laissée par une partie du corps : pattes, sabots, ailes... Eléments d’identification : la forme, la taille (largeur, longueur, nombre de doigts...).
Voie : ensemble d’empreintes des 4 pattes d’un animal (ou 2 pour un oiseau). Éléments d’identification : disposition des empreintes les unes par rapport aux autres (alignées, croisées, superposées...). Elle indique déjà l’allure de l’animal (pas, trot, galop).
Piste : succession de plusieurs voies, laissant deviner la direction et l’itinéraire pris par l’animal.