Lauvitel : les recherches sur l’histoire de la forêt se poursuivent

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Grâce à de minuscules charbons de bois qui révèlent la nature de l'arbre ou de l'arbuste dont ils proviennent, les chercheurs reconstituent le paysage forestier de ce vallon d'altitude et "remontent" désormais jusqu'au néolithique récent.

Pédo-anthracologie-aout-2016 au lauvitel © J.Forêt-Parc national des Ecrins Dans la réserve intégrale du Lauvitel, l'étude des sols a commencé en 2012. L’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie (IMBE) poursuit ses recherches dans le but de reconstituer la composition de la végétation forestière de ce vallon d'altitude, supposée plus diversifiée que la végétation actuelle d’après les études paléoécologiques régionales existantes, et de trouver l’altitude maximale atteinte par les arbres au cours de l’Holocène.

Ces recherches s’inscrivent dans le plan de gestion de la réserve intégrale dont l'un des axes vise à reconstituer l'occupation ancienne du vallon du Lauvitel.

Brigitte Talon et son étudiante Adèle Destanne de Bernis sont venues cet été relever les coordonnées GPS précises des 12 fosses pédologiques réalisées en 2012 et 2016, avec l’aide de Jérôme Forêt, technicien Patrimoines du Parc national, qui coordonne les opérations scientifiques réalisées au Lauvitel. Une courte visite qui a permis de se rendre compte que retrouver des fosses creusées il y a 5 ans n’était pas chose aisée tant l’érosion est active dans ce vallon d’altitude.

Ces fosses, réparties des berges du lac jusqu’à plus de 2 000 m d’altitude, ont permis de prélever de gros échantillons de sol afin d’en extraire par tamisage les minuscules charbons de bois pouvant s’y cacher. Ces charbons de bois, malgré leur taille millimétrique et leur état de conservation parfois difficile, peuvent être identifiés au microscope et révéler la nature de l’arbre ou de l’arbuste dont ils proviennent.

Les archives du sol

archeo étude des sols Lauvitel - 2012 La première campagne de 2012 avait mis en évidence la présence de charbons de bois jusque vers 1 880 m d’altitude, avec notamment la présence de charbons de bois de pin cembro, essence plutôt rare dans la Réserve actuellement, mais aussi d’épicéa, d’érable, de saule, de bouleau et de rosacées genre Prunus. Trois charbons ont pu être datés au carbone 14 : un charbon de saule, daté entre 1437 et 1288 avant JC, soit l’âge du Bronze, un Prunus, daté entre l’an 887 et 1013 (Moyen-Age), et un aulne, daté de la même période (983-1051).

Le but de la campagne de prélèvement de l’été 2016 était de prospecter cette fois le fond du vallon, entre 2 000 et 2 200 m d’altitude et de conforter les résultats déjà obtenus à plus basse altitude. Elle a été soutenue financièrement par le Parc national des Ecrins et le pôle Biodiversité du département Isère, qui a permis de financer 15 datations radiocarbone ainsi que le stage de Master2 d’Adèle Destanne de Bernis (Université de Toulouse).

Pédo-anthracologie-aout-2016 au lauvitel © J.Forêt-Parc national des EcrinsCette deuxième campagne confirme notamment l’importance du rôle joué par le pin cembro dans la composition de la végétation ligneuse d’altitude passée. Deux dates 14C confirment sa présence à 2 060 m d’altitude à l’âge du fer (entre 400 et 250 ans avant JC).

Mais le pin cembro n’était pas le seul à former la limite supérieure des arbres : il était accompagné localement de mélèze (identification encore à confirmer), de pin à crochets et de saule, voire de genévrier. C’est d’ailleurs un genévrier qui apporte la date la plus ancienne de toute cette étude : 3117-2917 avant JC, soit le Néolithique récent. Comme quoi, les sols du Lauvitel sont de véritables archives.

Pédo-anthracologie-aout-2016 au lauvitel © J.Forêt-Parc national des Ecrins

La limite supérieure des arbres a donc atteint au moins 2 060 m d’altitude, en peuplements mixtes (bouleau, saule, aulne, rosacée, genévrier, pin à crochets…) relativement ouverts. Les résultats complets de cette étude, dont le rapport final est en cours de rédaction, vont permettre de mieux comprendre la part des activités humaines dans l’origine des feux, puisque toutes les dates obtenues sont comprises dans la période d’occupation de la montagne par l’homme, et dans la mise en place du paysage tel qu’on le connaît aujourd’hui dans le vallon.

Les conclusions seront partagées avec le plus grand nombre dans le cadre de conférences, expositions et lors des nombreuses actions de communication.

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