Les mollusques des Écrins : un monde à découvrir

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Chilostoma fontenillii alpinum - Escargot montagnard- © Damien Combrisson - Parc national des Écrins
Qui aurait pensé que l'Embrunais abritait une riche diversité d'escargots, limaces et dulcicoles ? Pas moins de 110 espèces ou sous-espèces de ces mollusques continentaux ont pourtant déjà été répertoriées dans ce groupe faunistique encore largement méconnu. La malacologie (l'étude des mollusques !) a de beaux jours devant elle dans les Ecrins

La malacologie a trouvé de nouveaux adeptes avec des résultats impressionnants, notamment dans l'Embrunais. L'inventaire engagé dans ce secteur depuis le printemps 2014 fait déja état de 110 taxons (espèces ou sous-espèces), permettant de mettre en lumière la diversité et la qualité des habitats naturels pour les mollusques continentaux.

Helicodonta obvaluta © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Helicodonta obvaluta

Les mollusques continentaux, par opposition aux mollusques vivant dans l’eau salé, rassemblent le groupe des escargots et des limaces en y incluant également les espèces « dulcicoles » vivant dans l’eau douce. La France métropolitaine accueille une diversité importante de mollusques continentaux évaluée à 784 espèces ou sous-espèces, plaçant ainsi notre pays au quatrième rang européen pour la diversité de ces espèces après la Grèce, l’Italie et l'Espagne.

Arion vulgaris © D-Combrisson - Parc national des Écrins  
Arion rufus

Un fort endémisme

La réputation des escargots n'est pas usurpée.  Avec une faible capacité de dispersion active (la dispersion est dite passive lorsqu’elle est le fait de l’homme par exemple), de nombreux taxons sont endémiques : on en compte pas moins de 317 en France métropolitaine !

"Bénéficiant d’une situation géographique originale, le massif des Écrins organise la synthèse entre les Alpes interne et externe et les Alpes du sud et du nord. Ce positionnement permet d’envisager une grande richesse biologique au sein des mollusques présents sur le territoire du parc" souligne Damien Combrisson, garde-moniteur dans l'Embrunais, à qui l'on doit une bonne partie de ces premiers résultats encourageants !

L’inventaire des mollusques conduit dans l’Embrunais n’est pas un protocole spécifique de suivi de ce groupe. Il relève du « contact faune » mis en place sur le parc des Écrins depuis sa création (1973). Il s’agit pour les agents de relever quotidiennement toutes les espèces faunistiques qui sont contactées lors des rencontres sur le territoire.

"Comme d’autres groupes parmi les invertébrés, les mollusques n'ont pas fait l’objet d’inventaire auparavant, compte tenu notamment des difficultés liées à la reconnaissance des espèces".
Lire aussi l'article Dans la multitude des petites bêtes 

En deux années d'inventaire aléatoire, plus de 110 taxons ont donc été inventoriés sur l’Embrunais.

Parmi les rencontres originales, deux taxons (une espèce et une sous-espèce), dont la répartition connue était exclusive du Queyras, ont également été contactés dans les Ecrins : il s'agit de l’Hélice du Queyras (Arianta arbustorum repellini) et du Maillot du Queyras (Chondrina gerhardi).

Chondrina gerhardi  © D-Combrisson - Parc national des Écrins Arianta arbustorum repellini © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Le Maillot du Queyras (Chondrina gerhardi) et l'Hélice du Queyras (Arianta arbustorum repellini) révélent une aire d’endémisme un plus étendue que le nom vernaculaire le laissait supposer.

L’une des difficultés d’appréhender l’étude des mollusques est liée à la reconnaissance des différentes espèces. Pour la grande majorité d’entre elles, l’étude morphométrique des coquilles permet de les distinguer même si la taille de certaines ne dépasse pas les 2 mm…

Une détermination sous la loupe binoculaire est alors indispensable. Pour d’autres en revanche, l’étude anatomique des appareils reproducteurs est nécessaire, en particulier chez les limaces.

Lorsque cela s’avère nécessaire, les spécimens récoltés sont conservés dans de l’alcool à 90° avant d’être envoyés aux différents spécialistes pour une identification comme cela est le cas pour les Pisidiums en particulier.

Une collection du Parc national des Ecrins portant sur l’ensemble des espèces rencontrées a été constituée dans le secteur de l’Embrunais. Elle permettra de confirmer l’identification de certaines espèces délicates et a vocation, à terme, à être intégrée dans un muséum d’histoire naturelle.

Carychium minimum Pisidium sp. © D-Combrisson - Parc national des Écrins Pisidium sp. © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Carychium minimum  et  Pisidium sp.

Des espèces exogènes amenées par l'homme

Malgré leurs faibles capacités de dispersion, les mollusques voyagent du fait de l’action de l’homme (pour ce transport volontaire ou involontaire, on parle de dispersion passive) et des animaux, en particulier les oiseaux pour lesquels il a été démontré que certaines espèces consommées sont retrouvées vivantes dans les fèces.

Parmi ces espèces exogènes, on retrouve l’un des plus gros gastéropodes terrestres, l’escargot turc (Helix lucorum) ou bien encore la moule zébrée (Dreissena polymorpha) qui forme des essaims relativement importants sur une partie des fonds du lac de Serre-Ponçon.

Dreissena polymorpha - moule zébrée -  © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Dreissena polymorpha, la moule zébrée, bien implantée dans le lac de Serre-Ponçon

Le vertigo étroit, protégé au niveau européen

A n'en pas douter, l’étude des mollusques continentaux continuera de révéler de surprenantes découvertes dans les années à venir.

Dans l’Embrunais, plusieurs stations du Vertigo étroit (Vertigo angustior) ont été relevées pour cette espèce protégée par la directive européenne « Habitat » .
Pour en savoir plus sur le Vertigo étroit

Récemment, une testacelle a été observée sur la commune d’Embrun. Cette limace, qui présente le caractère original de conserver une coquille relictuelle sur le bas de son corps, est un redoutable carnivore de lombrics qu’elle n’hésite pas à consommer sous terre en s’enfouissant jusqu’à 1 mètre de profondeur.

Testacelle SP.© D-Combrisson - Parc national des Écrins
Testacelle SP.

Les richesses d'un groupe "orphelin"

Ces premiers éléments de connaissance ont été présentés lors du colloque national de malacologie continentale qui s’est tenu à Laon fin mars et seront publiés dans le journal Malaco

Mieux appréhender son environnement au travers de l’étude de groupe taxonomique « orphelin », permet une meilleure prise en compte des richesses et des enjeux de conservation qui y sont associés.

A cet égard, les observations du Vertigo étroit ont été rapidement communiquées auprès des opérateurs des sites Natura 2000 concernés.

Christophe Perrier, malacologue, avait réalisé un rapport sur ce gastéropode en 2014, pour le compte du site natura 2000 du Steppique Durancien. Depuis 2013, l'association Arianta, a engagé un inventaire des mollusques continentaux des Hautes-Alpes que viennent enrichir les travaux sur l'Embrunais.

Fête biodiversité Embrun - mai 2016 - malacologie - © Cl-Gondre - Parc national des Écrins Fête biodiversité Embrun - mai 2016 - malacologie - © Cl-Gondre - Parc national des Écrins
A Embrun, à l'occasion de la journée "Biodiversité à tous les étages", plusieurs ateliers prospection d'escargots ont été proposés au public qui s'est passionné pour ce nouveau monde à découvrir...

Les mollusques sont également de précieux indicateurs de la qualité des habitats et de leur fonctionnalité. Certaines espèces, comme la moule zébrée, sont particulièrement étudiées pour leur capacité de filtration de l’eau, de stockage et de dégradation de certains polluants.

Les coquilles d’escargot peuvent se conserver sur de longues périodes dans le sol et des disciplines modernes de paléo-malacologie retracent l’histoire des paysages et donc de l’action de l’homme.

De façon plus contemporaine, les flux de circulation permettant le transport passif d’escargots vivants doivent attirer notre attention. On constate l’apparition d’espèces exogènes pouvant être, pour certaines d'entre elles, invasives comme c'est le cas de Xeropicta derbentina en Provence.

A l’inverse, pour les espèces plus discrètes ou de plus petite taille, leur faible mobilité les rend plus vulnérables aux changements. Dans ce contexte, le groupe des mollusques continentaux peut se révéler un témoin utile pour appréhender les changements climatiques en cours.

Zebrina detrita © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Zebrina detrita, une espèce commune de l'Embrunais qui affectionne les terrains chauds et secs.

Chilostoma fontenillii alpinum  © D-Combrisson - Parc national des Écrins
Chilostoma fontenillii alpinum, un véritable montagnard présent sur l'étage alpin.