Le retour de la loutre confirmé en Oisans

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Photos Thierry Maillet (loutre) et Nicolas Bertrand (empreinte en Oisans) - Parc national des Ecrins
C'est par hasard qu'un garde-moniteur a découvert des indices de sa présence sur les berges de la Romanche. Une première à l'échelle du Parc national et une nouvelle encourageante pour cette espèce qui progressivement retrouve ses territoires après sa quasi-disparition.

Indice présence loutre Bourg d'Oisans - août 2017 - © N.Bertrand - Parc national des Écrins Depuis quatre à cinq décennies, la loutre est considérée comme très rare dans les départements de l’Isère, des Hautes-Alpes et en France en général.
C'est par hasard que Nicolas Bertrand, garde-moniteur au secteur de l’Oisans a découvert des indices de sa présence sur les berges de la Romanche, en août dernier.

« Je rentrais chez moi à VTT et en m'arrêtant sur un pont à la sortie de Bourg d'Oisans, des traces sur le sable humide de la berge ont attiré mon attention par leur forme et leur emplacement en bord de cours d'eau.

 Je suis donc allé voir et j'ai reconnu des empreintes de loutre, vite confirmées par une épreinte (nom donné aux excréments de loutre) trouvée à quelques mètres. Je me suis rendu ensuite à un autre pont à environ 1 km en aval et j'y ai également découvert une épreinte. »

Courant août, Nicolas a prospecté la plaine du bourg et a découvert d'autres zones fréquentées.

Loutre Oisans - piège photo - Parc national des Écrins

Une image prise au piège-photo, fin septembre, qui témoigne du caractère furtif et discret de la loutre.

Avec une nouvelle espèce ajoutée à l'Atlas en ligne de la faune et de la flore du Parc national, Biodiv’Ecrins, les données récoltées ont été ajoutées à la base de données du Parc national : la loutre sur Biodiv'Ecrins

Loutre - © T.Maillet - Parc national des Écrins La loutre a longtemps été considérée comme l’ennemi des pêcheurs. Au début du XXème siècle, le piégeage de la loutre a pris de l’ampleur en France, et l’on comptait jusqu’à 4000 loutres tuées par an. Cette activité a été la principale cause de sa forte régression. Elle est aujourd’hui protégée, notamment sur liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et en annexe II de la Convention de Berne. D’autres facteurs jouent en sa défaveur comme la destruction de son habitat, dont l'assèchement des zones humides.

Dans les zones où la loutre est présente, certaines méthodes de piégeage ont été interdites afin d’éviter de piéger accidentellement une loutre. L’éradication des espèces indésirables doit-être fait en utilisant des cages-pièges hors d’eau permettant de libérer l’animal non ciblé.

trace loutre Bourg d'Oisans - sept 2017 - © N-Bertrand - Parc national des Écrins Dans les Écrins, peu d'informations ont été récoltées sur le passé de la loutre dans le massif. C'est ce qu'indique l'atlas du haut-Dauphiné édité en 1995 par le Parc national et le CRAVE (Centre de Recherche Alpin sur les vertébrés).

"Signalée ça et là avant l'édification du barrage de Serre-Ponçon, elle paraît avoir totalement disparu de la vallée de la Durance" concluaient les auteurs de l'ouvrage, estimant néanmoins que "sur la seule retenue de Serre-Ponçon, le potentiel de nourriture pourrait permettre la présence de huit à dix couples".

D'ailleurs, en octobre 2017, "des prospections le long de la Durance ont permis de détecter des indices de présence de la loutre bien en amont des secteurs connus ! Des épreintes ont ainsi pu être observées au niveau du barrage de la Saulce, sur la commune de Curbans (04) et au niveau du barrage d’Espinasses (05) tout proche de Serre-Ponçon !" peut-on lire sur le site de la LPO PACA.

Après s'être très fortement raréfiée partout en France au XXème siècle, la loutre recolonise aujourd'hui petit à petit le réseau hydrographique français. Les derniers bastions ayant permis à l'espèce de ne pas disparaître jouent aujourd'hui le rôle de sources pour la recolonisation.

Ainsi, depuis 2011 une évolution positive se confirme en ouest Isère avec une détection régulière d'indices sur la Varèze ou l'Oron traduisant peut-être localement de petites populations permanentes qui seraient probablement remontées par le Rhône. Les autres indices occasionnellement trouvés sur d’autres cours d’eau sont à priori le fruit d'individus isolés ou erratiques.

Indice présence loutre Bourg d'Oisans - août 2017 - © N.Bertrand - Parc national des Écrins epreintes loutre - © N.Bertrand - Parc national des Écrins
Un crapaud retourné et consommé, des épreintes... Autant d'indices de la présence de la loutre

Carte loutre isère 2017 - Parc national des Écrins

Les données récoltées sur la plaine de bourg d'Oisans constituent une belle remontée de l'espèce puisque les deux données connues les plus proches avaient été enregistrées jusqu’alors sur le bassin grenoblois en août 2001 et en février 2015 (source LPO Isère).

"Dans sa recolonisation, la loutre accompagne philosophiquement le cortège des espèces qui, depuis les années 70, ont vu leur population remonter après avoir souvent frôlé l'extinction" résume Ludovic Imberdis, chargé de mission "faune" au Parc national des Ecrins. "Rapaces, ongulés et autres s'érigent en symbole d'une nature qui retrouvent une partie de ses droits...."

La loutre d’Europe, Lutra lutra

Dessin loutre d'Europe, Lutra Lutra © J.Chevallier- Atlas du Haut-Dauphiné - vertébrés - Parc national des Ecrins - CRAVE C’est un mustélidé qui mesure entre 1,25m et 1m de long et pèse entre 5 et 12kg. Sa morphologie fait de la loutre le carnivore le plus adapté au milieu aquatique. Son habitat est très variable puisqu’il concerne l’ensemble des milieux aquatiques.

Elle se nourrit essentiellement de poissons, mais aussi d’amphibiens et d’écrevisses.

La reproduction intervient à n’importe quel moment de l’année en fonction de la ressource alimentaire. La femelle met bas une portée de 1 ou 2 loutrons dont elle s’occupe seule. L’espérance de vie d’une loutre en milieu naturel est d’environ 10 ans bien qu’elle ne dépasse jamais 4 ou 5 ans, ainsi le renouvellement de la population est lent.

Indice présence loutre Bourg d'Oisans - août 2017 - © N.Bertrand - Parc national des Écrins La loutre est un animal territorial, elle le délimite en déposant ses crottes appelées épreintes sur des lieux stratégiques, ponts, rochers. Pour les mâles, le territoire s’étend de 20 à 40km linéaire de rivière. Le territoire d’un mâle peut recouper celui de plusieurs femelles qui possèdent une surface plus restreinte. Ce mode de vie territorial explique que la densité d’individus ne peut pas atteindre des valeurs élevées.

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Mustélidés, hermine © Denis Fiat - Parc national des Écrins Dans ce dossier, en 2011, on se demandait si la loutre allait revenir dans les Ecrins...
(...) Autrefois très commune partout, elle subsiste dans la partie Ouest de la France et tend à reconquérir ses anciens territoires, remontant les cours d'eau. Elle a été capturée en 1950 dans le Valgaudemar, jusque dans les années 1940 dans le Guillestrois, et encore observée avant l'édification du barrage de Serre-Ponçon. Elle est totalement protégée depuis 1981.

De fait, mais aussi grâce à l'interdiction du PCB, elle a fait son retour dans certaines parties de l'arc alpin. En France, le plan national d'actions pour la loutre 2011-2014 vise à améliorer sa conservation. "La dynamique de population est plutôt positive" résume Sandrine Ruette (ONCFS). "Elle est présente dans l'Isère et l'Ain mais elle n'a jamais été très abondante en montagne en raison de l'altitude. Son retour dans les Écrins n'est pas impossible, on ne sait jamais, mais ce sera sans doute limité".