Débardage à cheval au cœur du parc national

-A A +A
À Molines-en-Champsaur, un débardage à cheval est réalisé dans une forêt domaniale du cœur du parc national. Le choix de cette technique a permis d'éviter la création d'une piste forestière. L'ONF, le Parc national des Écrins et l'exploitant forestier ont la volonté commune d'assurer une opération exemplaire pour la gestion de cette forêt dans un site protégé.

Jusqu'aux premières neiges, Laurent Savoldelli et ses chevaux auront sorti du bois de la forêt de Molines-en-Champsaur. Cet exploitant forestier, retenu pour son savoir-faire dans le débardage à cheval, reviendra l'an prochain puis l'année suivante encore, afin de terminer cette coupe de bois particulière.

L'objectif ? Extraire les résineux arrivés à maturité afin de favoriser le développement des jeunes hêtres, tout en préservant un site particulièrement sensible, situé en cœur de parc.

Le renouveau d'une technique pour le respect de l'environnement

Le débardage à cheval permet de récolter du bois sans perturber les milieux, en évitant notamment la création d'une piste d'accès et les détériorations dues aux engins mécaniques. Cette technique alternative n'a rien de folklorique : le cheval achemine le bois jusqu'en limite de parcelle, tandis qu'un tracteur prend le relais jusqu'à la route forestière. Encore peu fréquente, cette technique d'exploitation est la mieux adaptée à cette forêt située dans le cœur du Parc national.

À l'issue d'une étroite concertation entre le Parc national des Écrins et l'Office national des Forêts, cette solution alternative a été retenue afin d'éviter de créer une piste forestière dans le cœur du parc national.

2011-12-deb-montee 2011-12-deb-descente

Les bois sélectionnés sont des mélèzes et des épicéas plantés il y a 80 ans dans un objectif de protection et de production. Aujourd'hui, le hêtre — qui se développe en sous étage — a vocation à devenir l'essence principale de cette forêt. La «coupe d'amélioration» préconisée devrait ainsi favoriser son développement harmonieux et accompagner la transition entre les résineux et la hêtraie.

Située à une altitude élevée (entre 1 290 à 1 600 mètres), la quantité de bois à débarder (1 150 m3) est importante pour des chevaux dont la cadence moyenne est de 20 m3 par jour. Ce vaste chantier devrait ainsi s'étaler sur trois années. L'exploitant forestier chargé de le mener à bien développe un savoir-faire impressionnant qui repose sur son expérience professionnelle conjuguée à sa passion pour les chevaux.

Réalisation Xavier Petit  - Document vidéo Parc national des Écrins

Des bonnes intentions aux actes

Dans ses objectifs généraux, l'Office national des forêts prend en compte les enjeux de protection de la biodiversité, en fonction du contexte socio-économique du site et pour en assurer sa gestion durable.

Parallèlement, le souhait du Parc national des Écrins est de développer, quand cela est possible, des techniques alternatives à la réalisation de pistes. Une préconisation particulièrement forte dans le cœur du parc et inscrite dans son projet de charte. En effet, la cicatrisation naturelle des milieux est souvent lente dans ces milieux aux contraintes physiques fortes (altitude, froid...).
Outre les effets négatifs comme le tassement du sol, les accès forestiers constituent aussi des axes de pénétration pour des véhicules à moteur non professionnel qu'il n'est pas toujours facile de maîtriser, même dans un espace naturel protégé...

Traction animale, traction câblée, goulottes... les techniques alternatives à la piste existent mais elles ne répondent pas toujours, ou difficilement, aux contraintes économiques et aux caractéristiques géographiques des sites. De plus, le renouveau de ces pratiques reste encore marginal et les professionnels compétents pour les mettre en œuvre sont encore peu nombreux sur le territoire français.

2011-12-reunion-terrain

Malgré les objectifs affichés par les deux institutions en termes de gestion et de développement durable, les expériences en la matière ne sont pas si fréquentes. Bien souvent, la réalisation d'une piste ou d'une traîne reste la solution la plus couramment mise en œuvre pour accéder à une coupe.

Pour cette forêt d'État, les deux organismes d'État responsables de la gestion du territoire se sont données les moyens d'être exemplaires dans le cœur du parc national, en minimisant l'impact sur les milieux.

Pour passer des bonnes intentions aux actes et utiliser des techniques peu usitées, la bonne volonté, la conviction et la persévérance des agents de terrain est indispensable. De fait, les agents de l'ONF et du Parc national des Écrins ont multiplié les échanges, les réunions et les réflexions pour se mettre d'accord. Sur le terrain et dans les bureaux, leur travail collaboratif et leur expérience doivent pouvoir être utiles à d'autres projets.

Des techniques complémentaires

Initialement, le plan d'aménagement de cette forêt domaniale prévoyait la création d'une piste d'accès pour réaliser cette coupe de bois située dans le cœur du parc national.

De prime abord, l'alternative à la piste n'était pas une évidence. La solution du câble présentait un impact paysager en contradiction avec le but recherché.

2011-12-passerelle

Pour le débardage à cheval, deux traversées d'un même torrent (à vocation piscicole), l'une à proximité d'une périmètre de protection de source, l'autre à proximité du village compliquaient fortement la procédure. Exclu au départ, cet itinéraire a finalement été choisi... après l'avis de deux autres services de l'État responsable des milieux aquatiques et des services de l'eau (ONEMA et la police de l'eau de la DDT).

Un aménagement pour l'accès a été réalisé, sur une centaine de mètres, avec l'installation de deux passerelles pour permettre d'approcher un tracteur qui récupère les bois tractés par les chevaux.

La complémentarité des techniques est souvent avantageuse. C'est ce que confirme l'expérience de Molines-en-Champsaur.

2011-12-pano

Pour cette coupe, combiner tracteur et cheval doit permettre de conserver un équilibre entre la rentabilité de l'exploitation et la préservation du caractère du site.

Pour la sécurité des randonneurs, le sentier traversant la coupe a été abandonné pendant une partie de l'été et de l'automne. Une signalétique particulière a été mise en place pour inviter les randonneurs à utiliser un ancien sentier, en rive gauche du torrent, rouvert pour l'occasion.

Encourager des filières courtes

Au-delà de la préservation des patrimoines naturels, des paysages et du caractère du territoire, une telle coupe favorise l'organisation de filières courtes, de l'exploitation jusqu'à l'utilisation du bois. Ici, la majorité des bois prélevés seront exploités à la scierie du débardeur située dans le nord des Hautes-Alpes. Les billes les moins belles serviront de bois de chauffage dans le département.

En effet, en raison du faible débit de débardage à cheval, le choix de cette technique implique d'étaler la réalisation de la coupe sur trois ans. De fait, le positionnement d'entreprises de petite taille aux compétences spécialisées devient possible. Ainsi, c'est un exploitant forestier du département, Laurent Savoldelli, installé dans le Briançonnais, qui a été retenu pour cette coupe.

Il peut aussi répondre à des demandes très locales, de collectivités et d'habitants qui achètent une partie du bois exploité.

Le savoir-faire de l'exploitant repose sur son expérience : au-delà des gestes, sa grande connivence avec les chevaux, sa connaissance des capacités des bêtes et des « pièges » à éviter sont déterminantes. Une organisation très rigoureuse du chantier est également indispensable dans ce type de pratique professionnelle.

En juin dernier, Laurent Savoldelli a proposé des démonstrations publiques de son travail lors de l'Appel de la forêt, un événement festif et familial consacré à la forêt... sous toutes ses formes.

Le succès des visites sur le chantier par le grand public est significatif de l'intérêt porté à cette pratique.

2011-12-deb-appel-for-600

Pour en savoir plus

Voir l'article Débardeur à cheval : une facette d'un métier - juillet 2011

Rencontre avec Laurent Savoldelli, exploitant forestier, qui développe cette technique alternative pour une coupe de bois dans le cœur du parc national, à Molines-en-Champsaur

Lire les différents volet du dossier consacré aux forêts des Écrins

Forêts des Écrins : des équilibres à trouver - septembre 2011
Pour assurer toutes les fonctions que l'on attend d'elle, la forêt mérite toutes les attentions. La préservation des paysages forestiers et de la biodiversité doit s'accorder avec des choix d'exploitation du bois qui garantissent la pérennité d'une forêt de montagne qui accueille également des visiteurs.

 La forêt, réserve de biodiversité - septembre 2011
Les forêts du Parc national des Écrins constituent des paysages, avec de multiples diversités biologiques : types de forêts, flore, faune... Le maintien de cette biodiversité passe par une gestion raisonnée, appropriée et suivie.

La forêt, enjeux socio-économiques et paysagers - octobre 2011
Chartes forestières, plans d'aménagement, schémas de desserte, plans simples de gestion... Différents outils sont développés par les gestionnaires des forêts (ONF, collectivités, CRPF...). Le Parc national y apporte sa contribution dans ses domaines de compétence. Les enjeux et exigences de la gestion de la forêt sont parfois difficiles à atteindre en raison des contraintes géographiques du massif des Écrins.

Forêts de découverte - novembre 2011
La forêt est un lieu privilégié de promenade et de loisirs : dans ce dernier volet de notre dossier sur les forêts des Écrins, vous trouverez quelques itinéraires à découvrir dans les différents secteurs du Parc national