L’évolution des pelouses alpines dans la réserve intégrale

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La diversité globale est en augmentation sur les trois sites étudiés entre 1998 et 2014 dans la réserve intégrale, ce qui n’est pas le cas pour les autres lignes de végétation réalisées dans l’ensemble du Parc national des Écrins.

Sur une ligne de lecture de végétation ©Denis Fiat PNE

De 1998 à 2014, des botanistes ont suivi le développement des pelouses du vallon du Lauvitel, non perturbées par le pâturage de troupeaux domestiques. Ils ont ainsi cherché à déterminer vers quelle formation végétale le milieu évolue, et quelle est la variation de la diversité floristique.
Trois lignes de lecture permanentes ont été mises en place en 1998. Elles sont matérialisées par des repères fixes. Ainsi, les observations ont été effectuées strictement au même endroit d’une campagne à l’autre : en 1998 puis en 2006 et en 2013-2014. Afin de caractériser la flore, un ruban gradué est tendu au-dessus de la végétation et constitue la ligne de lecture. On compte et recense alors toutes les espèces présentes sous ce ruban à l’aide d’aiguilles placées tous les 25 cm.

On estime ainsi la surface et le volume occupés par chaque espèce, la diversité floristique ainsi que l’hétérogénéité de la végétation.

Trois stations ont été étudiées. Nous vous présentons ci-dessous leurs caractéristiques et les évolutions observées durant les quinze années de l'étude.

Station du Petit Embernard, pelouse à myrtille à 1 840 m

Station Petit Embernard ©Olivier Senn

Espèces caractéristiques : laîche toujours verte (Carex sempervirens), luzule penchée (Luzula nutans), silène penché (Silene nutans), potentille à grandes fleurs (Potentilla grandiflora), raiponce à feuilles de bétoine (Phyteuma betonicifolium), centaurée uniflore (Centaurea uniflora).

Le trèfle des prés a disparu dans la station tandis que le recouvrement de la myrtille a légèrement diminué. Ces deux phénomènes s’expliquent sûrement par la pression de pâturage des chamois. La fétuque violet-noirâtre a régressé également, alors que des espèces des sols maigres se sont développées.

Station de Pis salé à 1 900 m d'altitude, une mégaphorbiaie 

Station Pis salé ©Olivier Senn

Espèces caractéristiques : géranium des bois (Geranium sylvaticum), cerfeuil de Villars (Chaerophyllum villarsii), vératre (Veratrum album), campanule rhomboïdale (Campanula rhomboidalis), avoine dorée (Trisetum flavescens).

L’ambiance "mégaphorbiaie" s’est renforcée par l’accumulation de matière organique et minérale, ce qui s’est traduit par développement de l’épervière faux-prénanthe. Les graminées sont toutefois restées dominantes.

Station du Ferrant, pelouse alpine à 2 390 m d'altitude

Station Ferrant ©Olivier Senn

Espèces caractéristiques : raiponce hémisphérique (Phyteuma hemisphaericum), fétuque de Haller (Festuca halleri), silène acaule (Silene acaulis exscapa), minuartie faux Sedum (Minuartia sedoides), gentiane alpine (Gentiana alpina).

Des espèces acidophiles telles que l’avoine bigarée se sont développées en conséquence de l’absence d’apports d’éléments fertilisants par des troupeaux domestiques. Le pâturin des Alpes, espèce des sols riches en bases et en éléments nutritifs, a quant à lui régressé. Les mousses se sont développées.

Avalanches et chamois responsables de petites variations floristiques

On aurait pu s’attendre, en absence de pâturage de troupeaux domestiques, à une progression des ligneux dans les deux stations subalpines, voire de la queyrel (Festuca paniculata) dans la station du petit Embernard, et une grande stabilité dans la station de l’étage alpin.

Or, ce n’est pas ce que l’on a observé durant les quinze années d’étude. Quelques variations dans la composition floristique ont été constatée qui évoquent l’effet de deux facteurs :

- Les avalanches ou les mouvements du manteau neigeux, empêchent l’installation de végétaux ligneux mais peuvent apporter des éléments nutritifs.

- Le pâturage des chamois qui exerce un impact plus ou moins fort selon l’appétence des pelouses.

La diversité globale est en augmentation sur les trois stations de la réserve intégrale, ce qui n’est pas le cas pour les autres lignes de végétation réalisées dans l’ensemble du Parc national des Ecrins.

Harde de chamois ©PNE

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