Biodiversité alpine sans frontière

-A A +A
Inauguré officiellement hier au Monêtier-les-Bains, le programme de coopération "Biodiv'alp" est engagé entre 5 régions alpines de France et d'Italie pour préserver les patrimoines naturels sur la base d'actions et d'enjeux partagés.

Dans un contexte de changement global du climat, l'érosion de la biodiversité et la modification des écosystèmes touchent les Alpes en tout premier lieu.

Les enjeux sont de taille. Preuve en est la mobilisation de cinq régions franco-italiennes engagées collectivement autour de la biodiversité alpine : le programme Biodiv'alp, dont le lancement officiel a eu lieu hier au Monêtier-les-Bains, a pour ambition de porter cette stratégie commune en matière de connaissance, de gestion et de mise en valeur de la biodiversité, en lien avec les acteurs économiques.

Visite sur site au Lautaret - Premier comité de pilotage Biodivalp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins

Premier comité de pilotage Biodivalp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins Le Parc national des Ecrins est l'un des partenaires engagés dans ce programme, participant à plusieurs des projets qui vont être mis en oeuvre sous l'égide des cinq régions françaises (Sud et AURA) et italiennes (Piémont, Ligurie, Val d'Aoste).

Le premier comité de pilotage de Biodiv'alp a donc eu lieu hier matin au Monêtier-les-Bains, à la veille de l'ouverture du congrès des réserves naturelles de France.

Anne-Marie Forgeoux, maire du Monêtier-les-Bains et élue régionale, ainsi que Bernard Héritier, président du conseil d'administration du Parc national des Ecrins se sont réjouis d'accueillir successivement deux événements d'envergure en lien avec les espaces naturels.
Accueil et discours maire du Monêtier-les-Bains - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins Bernard Héritier, président du Conseil d'administration du Parc national des Ecrins - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins

Premier comité de pilotage Biodivalp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsC'est la Région Sud qui pilote ce "projet intégré thématique" (PITEM) de 8,9 M€, inscrit dans les financements ALCOTRA, l’un des programmes de coopération transfrontalière européenne couvrant le territoire alpin entre la France et l’Italie. En toile de fond, il s'agit d'améliorer la qualité de vie des populations et le développement durable des territoires. Une fonction de coordination qui est déjà, en soi, l'un des projets opérationnel de Biodiv'alp, pour mettre en place une gouvernance effective et durable.

Si le contexte de changement est global, les visions et les pratiques des différentes structures engagées dans cette aventure commune, pour 4 ans, sont forcément différentes. En la matière, des difficultés restent à lever. Et c'est bien l'objet du programme : partager des méthodes, s'inspirer mutuellement des protocoles de suivis déjà engagés, compléter les démarches d'évaluation... et agir dans le même sens pour s'adapter aux évolutions en cours.

Biodiv’ALP, en bref
  • Un projet de coopération sur 4 ans (2019-2023)
  • 8,9 M€ de budget au total (avec 85% des dépenses financées par le programme Alcotra)
  • Une stratégie co-construite
  • 5 projets opérationnels
  • 27 bénéficiaires franco-italiens
  • 10 partenaires dont 5 régions et 16 délégataires (Parcs nationaux, Parcs naturels régionaux, Métropole, Chambres de commerce,...)

Connaître la biodiversité et les écosystèmes pour mieux les protéger ensemble
Chef de file : Région Sud

  • Région Sud - Mme Boetti-Forestier - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsEtablir une liste commune d'espèces et d'habitats à partir de laquelle travailler
  • Echanger et définir des protocoles communs de suivi
  • Structurer les bases de données dans une logique d'interopérabilité
  • Acquérir une connaissance la plus exhaustive possible
  • Améliorer le degré de diffusion de la connaissance auprès de tous les acteurs et usagers.

"Une partie de la réponse se joue dans nos territoires" : Laurence Boetti-Forestier, élue de la Région Sud, en est convaincue.  Saluant "l'engagement de tous dans cette coopération transfrontalière", elle a souligné la cohérence de Biodiv'alp avec les démarches du plan climat de la Région et avec l'accueil, en juin 2020 à Marseille, du Congrès mondial de la nature pour lequel plus de 10 000 participants sont attendus à l'invitation de l'UICN, l'union internationale pour la conservation de la nature.

Gérer les réservoirs de biodiversité en articulant les modes de gestion des espaces protégés alpins
Chef de file : Regione Piemonte

  • Région Piemont - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsIdentifier les principales causes d'érosion et de dégradation de la biodiversité et partage des meilleures pratiques de gestions
  • Appliquer/tester des méthodologies innovantes de gestion expérimentale et de restauration d'espaces dégradés dans les espaces protégés
  • Déployer un réseau d'observatoires transversaux communs des changements globaux pour développer des actions transfrontalières de gestion partagées

Pour le représentant de la Région Piémont, ce programme rassemble "une communauté qui aide à travailler". Outre la "mise en commun de méthodologies" pour gérer la biodiversité et la protéger, il importe de "communiquer tout cela et d'impliquer les populations locales".

Protéger les espèces et les écosystèmes au travers de connectivités écologiques transalpines dynamiques et innovantes.
Chef de file : Région Auvergne-Rhône-Alpes

  • Région AURA- Emmanuel Mandon, conseiller régional - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsDresser un diagnostic en capitalisant les connaissances et les expériences
  • Préfigurer une stratégie transfrontalière de connectivités écologiques reliant les espaces protégés (y compris hors NATURA 2000)
  • Préserver et restaurer des continuités écologiques.

Emmanuel Mandon, élu représentant de la Région AURA, met l'accent sur les "regards croisés" qui s'expriment dans cette stratégie régionale transfrontalière. De la neutralisation de lignes électriques à la restauration de prairies en passant par la valorisation de semences locales, toutes ces actions témoignent de "l'optimisme fondamental qui nous anime".

Promouvoir la biodiversité et les habitats comme facteur de développement des territoires.
Chef de file : Regione Liguria

  • Région Ligurie - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsActions de formation des professionnels de la montagne et d'entreprises sur les services écosystémiques
  • Mise en réseau d'entreprises locales et valorisation de productions locales (mise en réseau des labels, etc...)
  • Capitaliser sur des projets et des méthodes d'analyse et de valorisation des SE rendus par la biodiversité et les écosystèmes
  • Élaborer des outils communs de communication et de mise en réseau des sites d'accueil liés à la biodiversité

Pour la représentante de la Région Ligurie, "Biodiv'alp est un projet stratégique, dans un contexte alpin beau et difficile".
Si le "tableau est complexe" reconnaît la technicienne, l'enjeu est important : "perdre la biodiversité est un traumatisme dont nous ne pouvons porter la responsabilité".

Mutualiser les expériences pour s'adapter au changement

Visite sur site au Lautaret - Premier comité de pilotage Biodivalp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des EcrinsEn milieu de journée, les partenaires du comité de pilotage de Biodiv'alp s'est élargi avec plusieurs de ses "délégataires" et "bénéficiaires" pour un grand bol d'air et de soleil, au milieu des prairies fleuries du col du Lautaret.

Français et italiens ont présenté différentes expériences menées dans leurs territoires, en lien avec le changement climatique.

Une action d'ouverture des milieux réalisée dans les Alpes cotiennes favorise les orchidées qui étaient en régression sur le site. Le plan de pâturage réalisé avec le berger intègre la dimension économique pour être pérenne.

Le dialogue et l'intégration des pratiques humaines sont essentiels. C'est ce qu'a rappelé aussi Muriel Della Vedova, chargée de mission agricuture au Parc national des Ecrins, à propos du dispositif "Alpages sentinelles" initié dans les Ecrins en 2005 et désormais élargi aux Alpes françaises et à l'Italie, dans le cadre d'un autre programme "Pastoralp", impliquant notamment le Grand Paradis et le Val d'Aoste. Chercheurs, gestionnaires d'espaces, techniciens pastoraux sont en lien étroit et régulier avec les éleveurs et les bergers.

Les leçons de l'invisible

Sur l'une des placettes d'étude du dispositif "Orchamp", Richard Bonet, responsable du service scientifique du Parc national des Ecrins, et Wilfried Thuiller, directeur de recherche CNRS au laboratoire d'écologie alpine, ont expliqué par l'exemple une application concrète du programme Biodiv'alp. L'évolution des écosystèmes est étudiée grâce à cet observatoire des relations hommes-climat-milieux, développé "à l'échelle des Alpes françaises et bientôt en Italie".

Richard Bonet (PNE) et Wilfried Thuiller (LECA) - Lancement Biodiv'alp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins Visite sur site au Lautaret - Premier comité de pilotage Biodivalp au Monêtier-les-Bains- 4 juin 2019 - photo P.Saulay - Parc national des Ecrins

Sur plusieurs sites des Alpes, dont le Lautaret ou encore la réserve du Lauvitel, des suivis pluridisciplinaires sont réalisés sur des placettes de 30 mètres sur 30, espacées sur quelque 1000 mètres de dénivelée et sur une vingtaine de gradients d'altitude. Outre des suivis visuels comme les "lignes de lecture" des végétaux relevées par les botanistes du Conservatoire botanique national alpin (CBNA),  c'est l'ensemble de la biodiversité qui est inventoriée, y compris celle que l'on ne voit pas, essentielle pour "comprendre comment se structure la biodiversité". A partir échantillons prélevés dans le sol, le chercheur et ses équipes retrouvent l'ADN de toutes les espèces de faune et de flore. Un ADN qu'ils extraient, amplifient et séquencent...

D'ores et déjà, de nouvelles hypothèses animent les scientifiques qui cherchent à "valider des modèles" : plus encore que le climat, ce sont les champignons (saprophytes, symbiotiques, parasites... !) qui structurent le la biodiversité. Quand on nous disait que l'essentiel est invisible...

Lire aussi : Dispositif ORCHAMP : suivre l'évolution des écosystèmes montagnards dans la Réserve intégrale du Lauvitel