Le campagnol amphibie, espèce à protéger !

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Des prospections et la formation des agents du Parc national doivent permettre de mieux connaître et protéger ce petit rongeur. Pour cela, il s'agit de préserver ses milieux de vie, en bordure de certaines zones humides, avec quelques mesures à prendre lors de l'entretien des canaux et la gestion des troupeaux sur les rives de certains cours d'eau.

Le campagnol amphibie est un rongeur protégé en France depuis cinq ans à peine (arrêté du 15/09/12 ). Le constat d'un important déclin de l'espèce au niveau national a conduit à cette protection.

campagnol amphibie © Damien Combrisson - Parc national des Ecrins La modification des pratiques agricoles par l'usage de pesticides, la disparition des zones humides ou des petits canaux d'irrigation (drainage..) et le surpiétinement des berges par le bétail sont en cause, ainsi que les campagnes d'empoisonnement du rat musqué et du ragondin. Parmi les facteurs de cette régression, on peut citer aussi les interventions directes sur le milieu naturel, notamment les aménagements artificiels des rives des cours d'eau.

Méconnu et discret, le campagnol amphibie peut être répandu sans pour autant être commun. Le Parc national a travaillé ces dernières années à mieux connaître la répartition de l'espèce sous l'impulsion notamment de Damien Combrisson, garde-moniteur dans l'Embrunais où l'espèce est bien présente.

Crottier campagnol amphibie - © M.Corail - Parc national des Ecrins La formation à la recherche des indices de présence est essentielle à l'amélioration des connaissances sur l'espèce.

D'ailleurs, le moment du repos végétatif (automne-hiver et début du printemps) est la meilleure période pour cette recherche, quand les végétaux frais n'ont pas encore reconquis leur milieu, après le repos hivernal, et que l'on trouve plus facilement les indices : les coulées et les crottiers sont en effet caractéristiques chez cette espèce.

 

Des milieux aquatiques particuliers

"Les exigences de l'espèce en terme de milieux sont assez fortes, même si on la trouve dans des milieux aquatiques qui peuvent avoir l'air très différent" souligne Damien Combrisson.

Canal - bocage au printemps © Dominique Vincent - Parc national des Ecrins

Les canaux et fossés, les mares prairiales, étangs et marais avec de la végétation spécifique des rives, sont des milieux propices au campagnol amphibie.

Le campagnol amphibie aime :

  • circuler à l'abri d'une végétation rivulaire d'au moins 30 cm de hauteur, assez fournie aux abords immédiats de l'eau, la végétation lui servant aussi de garde-manger, typiquement en haute vallée de la Durance, la phragmitaie est particulièrement appréciée.
  • disposer d'eau libre, sans trop de courant, et profonde d'au moins 10 cm, à défaut le campagnol amphibie accepte les milieux ponctuellement sans eau, comme certains canaux d'irrigation à partir du moment où les fonds restent humides et frais (les empreintes marquent le sol).
  • des berges suffisament meubles (et solides à la fois !) pour pouvoir y installer son nid.

La qualité de l'eau ne semble pas être un facteur discriminatoire, en l'état actuel des connaissances. On le trouve également sur des sites pollués sur Embrun.

Des modes de gestion des milieux compatibles avec l'espèce

"Pour rendre toute gestion des milieux compatible avec la présence du campagnol amphibie, il est important de conserver le faciès favorable de la végétation et des rives, à court, moyen et long terme" explique Ludovic Imberdis, chargé de mission "faune" au Parc national.

Campagnol amphibie - carte présente PN Ecrins - dec 2016

"En effet, la gestion des milieux liés aux pratiques humaines, comme on en trouve en montagne avec, par exemple, les réseaux de petits canaux, peut être plus ou moins favorables selon les modes opératoires."

Cette approche sur la gestion doit se faire à deux échelles, au niveau du site de présence mais aussi au niveau du réseau des sites, c'est-à-dire à l'échelle du paysage.

"A ce titre, l'espèce est d'ailleurs un bon indicateur du maintien de la connectivité des milieux aquatiques, ce qu'on appelle aujourd'hui la "trame bleue" commente Ludovic.

"En zone de pâture, on pourra favoriser l'espèce en éloignant les troupeaux sur un linéaire important à plus de 1 m de distance de l'eau avec, par exemple, la pose d'une clôture électrique le long des berges et la mise en place d'un "bachasse" (abreuvoir)" ajoute  Damien Combrisson.

L'objectif est de maintenir la végétation et d'éviter le piétinement et un atterrissement prématuré des berges.

Dans l'entretien des milieux (écobuage ou entretien), il faut privilégier les interventions douces, en dehors de la période de reproduction qui s'étend du printemps à la fin de l'été.

En limitant ces interventions dans le temps et l'espace, parfois indispensables pour conserver à long terme l'habitat, il faut veiller à toujours conserver des zones refuges suffisamment étendues pour assurer la recolonisation rapide des milieux perturbés, en privilégiant celles qui sont situées en amont de l'écoulement à entretenir.

"A titre d'exemple, on peut citer les mesures qui ont été prises sur le bas du torrent de Réallon, avec la mise en défens des zones de présence du campagnol amphibie et la restauration des milieux qui pourraient faire l'objet d'une reconquête. Une première évaluation doit être réalisée cette année" témoigne Damien.

Les interventions lourdes sont à proscrire autant que possible, ou alors être limitées géographiquement. Lorsque que celles-ci ne peuvent pas être évitées (curage décennal par exemple), la recherche et la mise en protection de zones refuges en amont des zones de travaux doit être une priorité avant toute intervention.

Ressources, à lire et à écouter

Campagnol amphibie - dessin Jean Chevallier - © Atlas des vertébrés - Haut-dauphiné - CRAVE-PNE Campagnols aquatiques avec l'aimable autorisation de Pierre Rigaux, grand connaisseur de l'espèce

Chronique nature avec la RAM : De petits mammifères à découvrir

Dans l'atlas, Biodiv'Ecrins, le campagnol amphibie