La forêt, réserve de biodiversité

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Les forêts du Parc national des Écrins constituent des paysages, avec de multiples diversités biologiques : types de forêts, flore, faune... Le maintien de cette biodiversité passe par une gestion raisonnée, appropriée et suivie.

 

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Les forêts du Parc national des Écrins sont au carrefour d'influences climatiques et altitudinales qui déterminent cinq sous-ensembles distincts dans le massif.

Les espaces boisés recouvrent plus de 51 000 ha soit environ 19% du territoire du Parc national des Écrins, situés à 90 % dans l'aire d'adhésion.

Pour autant, l'espace "forestier" des Écrins, en terme de statut foncier, est beaucoup plus important : plus de 90 600 ha qui ne sont pas toujours couverts d'arbres !

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Des « paysages » forestiers très divers...

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La hêtraie-sapinière-pessière du Valbonnais correspond à la « classique » forêt montagnarde mêlée d'épicéas, de sapins et de hêtres.

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La hêtraie sapinière du Champsaur et du Valgaudemar se complète par du mélézin tout en incluant des milieux ouverts : petits bocages, landes, villages.

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Les mélézins de l'Embrunais et de la Vallouise comprennent aussi de vastes pinèdes sylvestres, en adret. On y trouve des prairies de fauche, et quelques hêtraies.

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La hêtraie sapinière de Boscodon est spécifique, issue de sa gestion passée par les moines de Boscodon.

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Les boisements des ripisylves (aulnaies, frênaies,...) sont des formations linéaires étalées le long de cours d'eau, sur une largeur de 25 à 30 mètres, ou moins.

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Le bocage du Champsaur-Valgaudemar : ses boisements linéaires sont liés aux pratiques agricoles. Les haies bocagères, d'une largeur de 2 à 10 mètres et de densité variable selon l'historique des remembrements de l'après-guerre, sont composées de feuillus très divers. Parmi les bocages de montagne en Europe, sa valeur paysagère hautement patrimoniale réside principalement par son étendue, son état de conservation et sa diversité faunistique et floristique.

... qui traduisent une faune et une flore remarquables

Côté faune, plus de 350 espèces sont recensées dans l'ensemble du territoire du parc, dont près de la moitié sont rares ou vulnérables.

Dans les milieux forestiers, on dénombre 34 espèces patrimoniales. On peut citer notamment trois espèces de chauves-souris qui y trouvent le gîte et le couvert : la barbastelle, l'oreillard montagnard et le noctule de Leisler.

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Barbastelle, chouette de Tengmalm, muscardin

Sans exhaustivité chez les oiseaux, on pense au pic noir ou encore au circaète Jean-le-Blanc qui niche dans les arbres. Deux chouettes forestières méritent d'être mentionnées : la chevêchette d'Europe et la chouette de Tengmaln. Le muscardin est un rongeur spécifique de la forêt. Chez les reptiles, la couleuvre d'esculape, très rare dans les Écrins, se faufile dans des arbustes.

Plus discrets encore, les insectes se cachent dans les moindres recoins, exploitent chaque espace, utilisent la diversité des habitats qu'offre le milieu forestier, du sol à la canopée.

Parmi les insectes les plus caractéristiques et/ou d'intérêt patrimonial de la forêt des Écrins, on peut citer :

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Isabelle, Rosalie des Alpes, Grand Capricorne

- Dans les forêts sèches d'adret : L'isabelle, papillon protégé au niveau national et sur la liste rouge.

- Dans les forêts fraîches d'ubac : La Rosalie des Alpes, principalement dans les forêts de hêtres inférieur à 1500 mètres

- Dans les lisières et les clairières : Le grand capricorne, amateur de forêt de vieux chêne sénescents.

2011-09-tordeuseLes cycles de la tordeuse du mélèze...

Périodiquement, suivant une fréquence de 8 à 10 ans, la forêt jaunit, comme si elle dépérissait, victime d'une maladie. La cause en est la prolifération d'un minuscule papillon défoliant : la tordeuse du mélèze.

La forêt semble alors prise dans un vaste filet tissé par les chenilles. Le printemps suivant verra renaître de nouvelles aiguilles plus dures, plus résistantes qu'à l'ordinaire et le jaunissement peu esthétique et inquiétant de l'été précédent ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

 

Il a été dénombré pas moins de 1800 espèces végétales dont 168 ont un intérêt patrimonial au sein du Parc national. Nous retrouvons 30 espèces dites « patrimoniales » en forêt.

Parmi les espèces patrimoniales de la flore des milieux forestiers des Écrins, on peut citer :

• Le Sabot de Vénus qui a besoin de trouées pour se développer. Il se rencontre à mi-ombre dans les hêtraies et les hêtraies-sapinières.

• Le prunier de Briançon est l'une des plantes originales du Briançonnais et du Queyras.

• La Buxbaumie verte pousse dans les sapinières fraîches, sur des bois humides au pourrissement déjà bien avancé.

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Sabot de Vénus, Prunier de Briançon, Buxbaumie verte

• Le Genévrier thurifère est très présent sur certaines pentes ensoleillées.

La forêt en chiffres

2011-09-graph-rpartLes espaces boisés recouvrent 51366 ha, soit 19% du territoire du Parc national des Écrins, situés à 90% dans l'aire d'adhésion.

Les forêts publiques (communales et domaniales) sont gérées par l'ONF (Office national des forêts) et relèvent du régime forestier.

La forêt privée est très morcelée et représente des petites parcelles.

Par exemple, à Mont de Lans (38), on trouve 265 ha de forêt privée pour 364 propriétaires, soit une surface moyenne de 0,73 ha par propriétaire.

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Les résineux sont les plus nombreux :

Le relief alpin favorise le morcellement et une mosaïque de milieux naturels.

Globalement, les boisements sont composés pour moitié de conifères (50%), de feuillus (23%)  et de boisements mixtes (27%).

Cette représentation des essences est très hétérogène, du fait des influences climatiques et de l'altitude.

Dans le Briançonnais, un arbre sur deux est un mélèze. Dans le Valbonnais, trois arbres sur quatre sont des hêtres ou des sapins.

Les principales essences forestières :

Dans les Écrins, on recense une soixantaine d'espèces d'arbres et plus de 80 arbustes. Les essences prédominantes sont :

• Le mélèze d'Europe, Larix decidua. C'est l'arbre emblématique des Hautes-Alpes

• Le pin a crochet, Pinus uncinata, parfois en mélange avec le mélèze en petites « taches ». C'est le garde-manger du tétras lyre en hiver

• Le pin sylvestre, Pinus sylvestris. C'est l'arbre de la recolonisation « naturelle » des zones de moyenne montagne

• Le pin cembro, Pinus cembra. L'arbre isolé, souvent solitaire dans la zone dite « de combat »

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Mélèze, pin cembro, pin sylvestre

• Le pin noir d'Autriche, Pinus nigra, est l'arbre de reboisement RTM (Restauration des Terrains de Montagne)

• Le sapin, Abies alba est le principal concurrent du mélèze en zones fraîches

• L'épicéa, Picea abies, est surtout présent au Nord du massif (Isère)

• Le hêtre, Fagus sylvatica. En mélange avec le sapin et l'épicéa. On trouve differentes formes de hétraies-sapinieres (patrimoine de Boscodon et du Valbonnais)

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Sapin, épicéa, hêtre

• Le chêne pubescent, Quercus pubescens. Il est situé en limite d'aire du Parc.

couvArbres_170Pour en savoir plus, voir le livre Arbres et arbustes de montagne, réalisé par le Parc national des Écrins

Ce guide de terrain présente tous les arbres et arbustes de montagne, sans oublier les arbrisseaux et les lianes, soit 230 espèces ligneuses, classées selon leur milieu naturel de prédilection.

Elaboré de manière à vous faire découvrir de façon simple et ludique ces végétaux passionnants, cet ouvrage original est le compagnon indispensable de vos balades en montagne.

 

Une gestion adaptée et suivie

2011-09-cycle-forestierEn terme forestier, il est important de préserver la diversité des essences et des structures forestières. Le maintien de la ripisylve (aulnaies, frênaie) et la régénération naturelle sont également recherchés.

Dans une forêt aménagée pour produire, le cycle naturel est généralement incomplet. Ainsi, on passe souvent de la phase optimale (adulte) à celle de la régénération. Les deux dernières phases d'effondrement et de vieillissement sont souvent raccourcies ou inexistantes pour des raisons économiques ou de sécurité.

Pourtant, elles assurent une bonne reprise de la régénération naturelle, permettant d'obtenir des peuplements en bonne santé, résistant en cas d'attaque d'insectes ou de catastrophes météorologiques.

Des traitements sylvicoles appropriés :

Pour préserver la diversité des essences et des âges de la forêt

En raison du rôle protecteur et paysager des forêts mais aussi de la sensibilité des sols à l'érosion, ce sont les traitements en la Futaie Jardinée (les arbres sont de classes d'ages différentes et celles-ci sont toutes représentées) ou la Futaie Irrégulière (les arbres sont de classes d'ages différentes) qui sont préconisés dans le Parc national des Écrins.

En privilégiant cette approche plus centrée sur l'individu que sur une logique de peuplement, la pérennité des boisements et sa biodiversité associée semblent mieux assurées.

D'autres actions de sylviculture "classiques" permettent aussi de préserver la biodiversité : garder les essences forestières communes (érable, tilleul, frêne, merisier...), laisser les rémanents d'exploitation au sol pour sa fertilisation, ne pas couper les arbres dépérissants s'ils ne menacent pas la sécurité (l'idéal est de conserver 2 à 3 arbres à l'hectare).

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Des outils européens existent pour soutenir ou maintenir ces phases d'effondrement et de vieillissement. Certaines mesures prévues par le disposif Natura 2000 y contribuent. C'est le paradoxe de la forêt : plus il y a de bois mort, plus elle est vivante !

Pour conserver les forêts de transition (haies, ripisylves,...) dans le but de maintenir les continuums forestiers, lieu de circulation de la faune.

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Dans les espaces agricoles, le bocage encore bien conservé procure une continuité écologique entre les boisements de vallée et ceux de la montagne. Les contraintes de l'agriculture actuelle rendent plus difficile un entretien régulier et manuel. Des outils mécanisés et mutualisés comme le lamier peuvent être une solution.

Les forêts riveraines (aulnes, frênes et saules) constituent des corridors fondamentaux pour la circulation de la faune dans ce massif de montagne aux multiples barrières naturelles.

Pour le maintien des sols grâce au système racinaire des végétaux et au couvert

2011-09-rtmLes territoires de montagne sont le siège de phénomènes naturels multiples : mouvements de terrain, crues torrentielles, avalanches. Si cette érosion est inévitable sur le long terme, la protection des personnes et des biens demande qu'elle soit partiellement maîtrisée.

L'érosion naturelle des terrains en friche est accentuée par les fortes précipitations du climat

méditerranéen (printemps et automne). La protection des sols contre l'érosion doit être toujours à l'esprit du gestionnaire lors des différents travaux rythmant la vie en forêt.

La restauration des terrains de montagne (RTM, service de l'ONF) favorise la préservation des milieux et des paysages de la montagne forestière par la mise en place d'ouvrages de protection et des reboisements.

Cet article constitue le premier volet d'un dossier plus complet consacré aux forêts des Écrins.
Lire aussi : Forêts des Écrins : des équilibres à trouver
Pour assurer toutes les fonctions que l'on attend d'elle, la forêt mérite toutes les attentions. La préservation des paysages forestiers et de la biodiversité doit s'accorder avec des choix d'exploitation du bois qui garantissent la pérennité d'une forêt de montagne qui accueille également des visiteurs.

La forêt, enjeux socio-économiques et paysagers - octobre 2011
Chartes forestières, plans d'aménagement, schémas de desserte, plans simples de gestion... Différents outils sont développés par les gestionnaires des forêts (ONF, collectivités, CRPF...). Le Parc national y apporte sa contribution dans ses domaines de compétence. Les enjeux et exigences de la gestion de la forêt sont parfois difficiles à atteindre en raison des contraintes géographiques du massif des Écrins.

 

Forêts de découverte - novembre 2011
La forêt est un lieu privilégié de promenade et de loisirs : dans ce dernier volet de notre dossier sur les forêts des Écrins, vous trouverez quelques itinéraires à découvrir dans les différents secteurs du Parc national.

Pour en savoir plus :

Voir aussi les articles : Les richesses du bois mortjuin 2010

Des gîtes pour les chauves-souris - Novembre 2010

Pour en savoir plus sur la biodiversité, un cycle de conférence dans le cadre de l'année internationale des forêts, à la tour Brune dans l'Embrunais : voir le programme

Un rendez-vous à noter, une journée d'animations "forêt, bois, patrimoine", samedi 15 octobre 2011 à l'abbaye de Boscodon dans l'Embrunais.

Télécharger : Le document Natura 2000 en Valbonnais : icon 2010-11-Laisser vieillir les arbres (1.66 MB)